[Critique] Passion (Brian De Palma)

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Brian De Palma revient à son plus grand amour, le thriller. Cap sur l’Allemagne pour ce remake du dernier film d’Alain Corneau, Crime d’amour, avec pour remplaçantes au duo Kristin Scott Thomas/Ludivine Sagnier Rachel McAdams et Noomi Rapace. Un jeu de manipulation particulièrement froid, vestige des plus grands moments de cinéma de l’auteur de Pulsions.

La Passion du crime

N’ayant pas vu l’ultime film d’Alain Corneau, c’est avec un esprit débarrassé de toute référence narrative que j’ai pu découvrir Passion. L’action se déroule en Allemagne, dans une société de communication publicitaire où deux jeunes femmes recherchent une campagne coup de poing pour un téléphone mobile. Christine (Rachel McAdams) et Isabelle (Noomi Rapace) semblent parfaitement complices malgré la supériorité hiérarchique de la première. Dirk (Paul Anderson), comptable de la boite, partage la vie de la sensuelle blonde mais aussi le lit de la brune. Premier élément de trouble. Quand Christine s’octroie la trouvaille publicitaire d’Isabelle et Dani (Karoline Herfurth) afin d’obtenir un poste à New-York, le jeu de manipulation prend son envol. Malgré elle, Isabelle devient le centre de gravité du triangle formé par Christine, Dirk et Dani. Cette première partie du film se montre particulièrement désincarnée. Si Brian De Palma érotise avec brio Rachel McAdams, sublime plante vénéneuse, débordant de mystère et de sensualité, Noomi Rapace, l’objet de tous les désirs, apparaît comme une intrus dans cet univers. Le front couvert d’une frange, les épaules débarrassées de sa chevelure brune, l’actrice suédoise offre un visage glacial en opposition complète avec le caractère irrésistible de son personnage. Une froideur développée par la photographie très artificielle de José Luis Alcaine, pourtant toujours génial lors de ses collaborations avec Pedro Almodóvar. Une façon pour le cinéaste de souligner les rapports factices entre ses personnages où l’amour et la haine s’élèvent d’une même flamme ? Peut-être, mais le résultat s’approche des éclairages d’un simple téléfilm. Et ce n’est pas dans la stylisation renforcée des séquences rêvées, aux contrastes tout aussi artificiels, que Passion montrera de meilleures qualités plastiques.

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Tout au long de sa carrière, De Palma a développé une véritable passion pour le crime, une passion se traduisant par une approche formellement impressionnante du meurtre, suivie par un processus d’enquête passionnant, ménageant le suspense et le danger. Fascinant engrenage érotique dans Body Double, palpitant combat pour la vérité et la rédemption dans Blow out, génial et sulfureux Pulsions. Dans Passion, De Palma se jette dans une anthologie thématique et formelle de son cinéma qui engendre un écho fantomatique de ses plus grandes oeuvres. Suite à la première partie si réfrigérante, la résolution du meurtre, qui se prive d’un réel suspense, n’est qu’un long chemin de croix où le réalisateur multiplie les effets de réveil de son héroïne. Un abus qui, au lieu de développer une substance névrotique, rompt l’intérêt narratif. Noomi Rapace donne à ce moment plus de force à son personnage, mais l’on finit par nager dans un mauvais trip policier sous l’influence de David Lynch. Monte Hellman s’était aussi égaré dans ce genre d’exercice avec Road to Nowhere il y a deux ans. De Palma, toujours dans son univers hitchcockien, subit une mauvaise influence de Mulholland Drive. Lorsqu’il déploie un long split-screen pour sa séquence de meurtre, il suscite l’étonnement avec à gauche une scène se déroulant en « temps réel » et, à droite, une scène découpée par de petites ellipses. L’astuce se cachant derrière ce petit procédé trompeur sera révélée dans un final peaufinant le côté mauvaise série B de ce long métrage. Une copie tristement bâclée. Dommage.

2 étoiles

 

Passion

passion-afficheFilm français, allemand
Réalisateur : Brian De Palma
Avec : Noomi Rapace, Rachel McAdams, Paul Anderson, Karoline Herfurth, Rainer Bock
Scénario de : Brian De Palma, d’après Crime d’amour d’Alain Corneau et Natalie Carter
Durée : 100 min
Genre : Thriller
Date de sortie en France : 13 février 2013
Distributeur : ARP Sélection


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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4 commentaires

  1. Je dois avouer que la critique faite ici me refroidit complètement par rapport à ce film, parce que j’imagine très bien ce que cela peut donner comme résultat. J’avoue aussi ne pas avoir tout compris de l’histoire, qui fait quoi avec qui. Bref, un peu peur de n’avoir que des scènes « devinées » ou pseudo-érotisées, pas trop mon style de film.

  2. bonjour,
    Moi j’ai beaucoup aimé le film original de Corneau, donc je suis partagé, peur d’être déçu car la critique ici n’est pas super élogieuse, mais d’un autre côté je suis un grand fan de De Palma, donc j’ai quand même envie de me faire ma propre opinion…

  3. Un De Palma médiocre, il tente de faire illusion grâce à sa mise en scène mais toute la complexité psychologique et la sensualité vénéneuse sont absentes de son film… 1/4

  4. oui bon, ok la fin est discutable, mais ca reste un De Palma quand même 🙂
    ma critique : http://critique-ouverte.blogspot.fr/2013/02/passion-de-palma.html

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