[Critique] Hugo Cabret (Martin Scorsese)

Pour son premier film en 3D, Martin Scorsese laisse de côté les figures névrosées et mafieuses pour adapter un roman de Brian Selznick, L’invention d’Hugo Cabret. Une aventure familiale inégale qui salue l’œuvre de Georges Méliès et le pouvoir fantastique du cinéma

Hommage mécanique

Quelques mois après la sortie de The Artist, un monstre du cinéma américain apporte un regard nostalgique et enchantée sur les premières heures du 7ème art. Mais contrairement à Michel Hazanavicius, venu s’installer à Hollywood land en pleine transition du muet au parlant, Martin Scorsese traverse l’Atlantique pour célébrer l’œuvre des pionniers français du cinéma, et ce, en 3D. Dans ce long-métrage qui se déroule dans le Paris des années 30, le spectateur suit le destin du jeune Hugo Cabret (Asa Butterfield), orphelin qui a élu domicile dans une gare où il remonte les horloges en catimini. Passionné de bricolage, Hugo vole régulièrement des outils à la boutique de Georges Méliès – très bon Ben Kingsley – afin de réparer un automate, unique souvenir de son père disparu dans un incendie. Si quelques plans séquences impressionnent par la caméra en apesanteur, cette première partie du film s’avère décevante. Les petites mésaventures de l’orphelin, accompagnées par une bande originale insipide d’Howard Shore, accusent d’un manque de vitalité, dans le rythme et la narration, et, paradoxalement, d’un cruel manque de relief.

La virtuosité de la mise en scène de Scorsese au service d’un hommage sincère et touchant à George Méliès permet de donner une toute autre tonalité à la seconde moitié du film. Hugo Cabret devient vibrant dès lors qu’il salue le travail de cet artiste qui a été un des premiers à croire au cinéma en tant qu’art, contrairement aux frères Lumière, convaincus qu’il ne s’agissait que d’un gadget sensationnel à la durée de vie très limitée. Le cinéma, c’est du rêve sur pellicule – bien que la matière tend à disparaître au profit d’un enregistrement numérique –, et cette notion est un héritage direct de Méliès, truquiste génial. La toile, au cinéma, c’est l’espace où le film devient réalité, comme le rappelle parfaitement la mise en scène de la fameuse anecdote des projections de L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat : les spectateurs étaient pris de terreur à la vision de ce train se dirigeant tout droit sur eux – et Scorsese jouera habilement à plusieurs reprises avec cet événement. Ainsi, Hugo Cabret démontre en toute simplicité que le rêve projeté sur la toile devient une réalité, à l’influence forte sur les hommes et leur destin.

Pourtant, ce n’est pas le cinéma qui se trouve au cœur du récit mais la mécanique, en tout genre, de la complexité des horloges aux simples appareils orthopédiques, sans oublier l’indispensable projecteur de film. La réparation des objets et des êtres est d’ailleurs la dynamique d’Hugo Cabret : Hugo, brisé par l’absence de figures parentales, s’évertue à réparer un automate ; Méliès est un génie anéanti par la disparition de ses œuvres ; le Chef de gare, handicapé par sa blessure de guerre, ne parvient pas à aller de l’avant.
Dans une certaine mesure, Martin Scorsese ne voudrait-il pas signaler qu’il faut « réparer » le cinéma ? L’ambiguïté est grande pour un film qui regarde le passé avec la technologie « du futur. » Hugo Cabret comporte autant de scènes fantastiques grâce à la profondeur de champ en 3D que de séquences aplaties par les longues focales, ou bien encore des plans larges où le regard se perd dans le détachement « toc » des personnages et objets. L’expérience 3D est, comme à l’accoutumée, inégale, imparfaite, et donc dispensable. Serait-ce le rouage de trop dans la mécanique du cinéma contemporain ? Probablement !

3.5 étoiles

 

Hugo Cabret

Film américain
Réalisateur : Martin Scorsese
Avec : Asa Butterfield, Ben Kingsley, Sacha Baron Cohen, Chloë Grace Moretz, Emily Mortimer, Christopher Lee, Jude Law
Titre original : Hugo
Scénario de : John Logan d’après l’œuvre de Brian Selznick
Durée : 126 min
Genre : Aventure, Drame, Famille
Date de sortie en France : 14 décembre 2011
Distributeur : Metropolitan FilmExport

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. Un film vraiment prenant et envoutant. C’est rare qu’un film pareil me transporte au dela d’un scénario

  2. J’ai trouvé le film sympa mais le gamin … horrible. Pas crédible pour un sous.

  3. @Box : je trouve qu’il ne transmet pas énormément, mais sans être mauvais non plus.

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