[Critique] Warrior (Gavin O’Connor)

Retardé à cause de la sortie du similaire Fighter, Warrior s’impose sur le ring, non sans mal, comme un film bien plus réussi que son prédécesseur salué et récompensé à la dernière cérémonie des Oscar. Les enjeux économiques et familiaux amplifient chaque coup porté avec un réalisme saisissant.

Se battre pour les siens

Certains films sont curieux. Ils baignent dans une certaine médiocrité artistique, et pourtant, ils vous soulèvent de votre siège pour vous infliger un uppercut fatal, surgi des ténèbres. C’est le cas de Warrior, dont le principal travers se situe dans un élément pourtant essentiel au cinéma : la mise en scène. Au terme du film, scindé en deux parties, une exposition des personnages et un tournoi d’arts martiaux mixtes, on réalise alors que Gavin O’Connor a tourné la première partie comme les séquences de combats. Si les longues focales, les caméras à l’épaule, et les plans courts conviennent parfaitement pour dynamiser un affrontement, ces éléments phagocytent la dramaturgie et la découverte des personnages. La logique champ-contrechamp est employée mécaniquement et l’espace entourant les acteurs n’est jamais exploité.
Avant le palpitant tournoi à Atlantic City, ce sont les acteurs, dirigés avec brio, qui sauvent les meubles. Cette chronique d’une famille éclatée est portée par des gueules qui marquent : Nick Nolte joue un ex-entraîneur qui a vaincu son démon en bouteille, comptant trois années de sobriété, et n’a plus aucun contact avec ses deux fils. Il a élevé l’aîné, Brendan (Joel Edgerton), désormais professeur de physique et père d’une famille de deux enfants. Tommy (Tom Hardy), lui, était parti avec la mère, maintenant décédée, et alors qu’il revient d’Irak, il fait appel à son père pour une unique raison : l’entraîner en vue du Sparta, tournoi exceptionnel d’arts martiaux mixtes dans lequel seize hommes s’affronteront pour décrocher le titre de meilleur combattant – et, accessoirement, une dotation de 5 millions de dollars ! Si Jennifer Morrison (docteur Cameron dans la série House), dans le rôle de la femme aimante et inquiète, déraille au cours du film, les hommes font preuves d’une justesse remarquable. Nick Nolte est bouleversant dans ses tentatives de rachat auprès de ses fils, eux-mêmes brouillés et masquant leur lien aux yeux du public pour le tournoi : Tommy a pris le nom de jeune fille de sa mère lors de l’inscription.

Les enjeux sont forts. Chacun se bat pour une cause juste, et la possibilité de laisser sa vie sous les projecteurs est manifeste, tout comme celle de voir deux frères s’affronter. Seize hommes rejoignent le ring octogonal mais trois véritables combats sont disputés : celui du père, rangé dans le droit chemin, luttant pour renouer avec ses fils ; celui de Brendan, pour sauver son foyer, sa maison étant sur le point d’être saisie ; celui de Tommy, pour honorer un frère d’arme tombé au combat sous le feu des troupes américaines. Trois perspectives cristallisées autour de la cage dans laquelle toutes les techniques de combats sont admises. Les amateurs d’arts martiaux et d’ultimate fighting seront ravis, ces séquences déployant une brutalité et un réalisme déroutants – à un tel point que les acteurs furent réellement blessés au cours du tournage. De véritables figures du milieu ont participé au film et les acteurs ont suivi un rigoureux entraînement. Tom Hardy, au style de combat frontal, tout en puissance, a pris 13 kilos de muscle pour le rôle. Sur le ring, c’est un monstre, une machine à broyer des mâchoires comme on brise une brindille. Joel Edgerton, au physique moins impressionnant, use de techniques de lutte pour venir à bout de ses adversaires. Les frangins sont donc en parfaite opposition. Outre les terribles combats, qui peuvent parfois s’avérer expéditifs, Warrior capture la dimension sociale des arts martiaux : le professeur de physique devient un héros pour l’établissement dans lequel il enseignait, tout comme le vétéran d’Irak est élevé au rang de héros national et soutenu par les G.I.
Ce long-métrage au scénario soigné tient en haleine jusqu’à la dernière seconde, profitant d’une structure qui permet de gommer ses défauts au travers d’une action percutante, d’une émotion réelle et puissante. Avec ses bases embrassant des problématiques de la société américaine et familiales, le nouveau film de Gavin O’Connor touche à l’universel dans une violence qui galvanise et touche en plein cœur.

Porté par un casting exceptionnel et dynamisé par des combats impressionnants, Warrior balaie hors du ring le médiocre Fighter de David O. Russell malgré ses défauts. Si seulement il ne pêchait pas autant sur la mise en scène de sa première partie, ce film à l’intensité croissante se hisserait non loin des chefs d’œuvre du genre.

4 étoiles

 

Un grand merci à Allociné pour l’organisation d’une projection en avant-première du film.

Warrior

Film américain
Réalisateur : Gavin O’Connor
Avec : Tom Hardy, Jeol Edgerton, Nick Nolte, Jennifer Morrison, Frank Grillo
Scénario de : Gavin O’Connor, Cliff Dorfman, Anthony Tambakis
Durée : 139 min
Genre : Action, Arts martiaux, Drame
Date de sortie en France : 14 septembre 2011
Distributeur : Metropolitan Filmexport


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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5 commentaires

  1. J’adore ce genre de film (inventé par Stalonne ) ou le social et la physique se confondent ou le fait de se battre passe du figuré au propre .

    D’après la bande annonce , cela n’avait pas pas l’aire folichon et semblé entré dans les cliché du genre (je pense à Figthing ou pire scorpion avec Cornillac ) Je suis content qu’il ai finalement peut etre de l’intérêt !

    En revanche pour une fois je ne suis pas d’accord Fighter est pour moi un superbe film instinctif viscéral brut et urbain

  2. Pareil que Romain. Fighter est une perle. Sinon Tom Hardy est un très bon acteur ( Bronson fait école).

  3. @Romain : oui la bande annonce n’est pas très séduisante mais le film fonctionne réellement malgré ses défauts évitables.
    + @la methode : eh bien puisque vous aimez tous les deux Fighter, j’ai hâte de lire vos retours sur Warrior.
    Tom Hardy est un excellent acteur oui, mais Bronson, en tant que film, est trop démonstratif et coincé dans l’hommage à Kubrick.

  4. C’est vrai que Bronson ma un dessu et je trouve que les adjectif démonstratif et coincé sont très vrai j’aurais aimé un truc plus proche de Bronson quitte à u peu scènariser le film

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