[Critique] Carré Blanc (Jean-Baptiste Leonetti)

Derrière l’énigmatique titre Carré Blanc se cache un terrible film d’anticipation mettant en scène Sami Bouajila et Juliet Gayet dans une société sur le déclin. Bien qu’imparfait, Leonetti déploie avec ce film une vigueur réjouissante pour la production d’un cinéma fort et non conventionnel. Dépressifs, s’abstenir !

Noirceur au carré

Le futur sera quadratique et sinistre, c’est du moins ce qu’annonce le premier long-métrage de Jean-Baptiste Leonetti, film d’anticipation âpre et glacial, hurlant un accablant désespoir. Rarement les barres d’immeuble du paysage urbain n’auront donné un tel sentiment d’angoisse et de déclin de l’humanité au cinéma. Carré Blanc présente une dystopie rectiligne dans laquelle le souffle de la mort a ôté toute couleur à la vie, où les courbes ont été bannies, anéanties par des angles droits tranchants comme des lames de rasoir. La seule femme que l’on découvre dans ce monde à la dérive, c’est Marie (Julie Gayet), désespérée par le comportement mécanique et inhumain de son mari Philippe (Sami Bouajila), rencontré (et sauvé) alors qu’ils étaient à l’orphelinat. Dans cette société aliénée et aliénante, écrasant les plus faibles avec une brutalité sans nom, les hommes se consument autant qu’ils se consomment. La population mondiale a chuté sous la barre du milliard, au point que les adolescentes se voient invitées, au travers de messages monocordes diffusés dans les rues par des hauts parleurs, à l’insémination artificielle dès quatorze ans. Marie veut un enfant, mais par la voie naturelle, sous le signe de l’amour, si seulement son mari pouvait s’extirper du moule sociétaire ignoble dans lequel il se complait depuis plusieurs années.

Carré Blanc est un film difficile, de part le terrible univers dépeint, mais également par sa forme, froide et ténébreuse. L’enfance de Philippe se déroule dans un clair-obscur des plus oppressants ; la musique, minimaliste, renforce le malaise des images, le malaise qui sourd de l’absence de véritables dialogues, de communication – d’humanité. Un voile de désespoir étreint fermement le spectateur qui, privé d’oxygène, pourrait se montrer réfractaire à cette expérience cinématographique reflétant, à l’extrême, la société en crise dans laquelle nous évoluons aujourd’hui. L’entreprise est montrée comme un lieu d’avilissement, d’humiliation et de conditionnement. L’emploi de Philippe, qui consiste à faire passer des tests de logique à des candidats/collègues pouvant conduire jusqu’à la mort, souligne à la fois la stupidité des personnes évaluées et l’impuissance d’une société anémique pour combattre ses maux et qui, ainsi, cultive ses propres monstres si redoutables : ces « monsieur tout le monde » dociles, qui acceptent les règles du jeu sans jamais les remettre en question. Si les causes d’une telle déchéance ne sont pas dévoilées, on peut découvrir certaines pistes en arrière-plan, comme l’absence totale de culture. L’art semble avoir disparu sous le béton de ces maudites tours. L’unique musique diffusée par la radio est indigne d’un ascenseur. Seul un sombre tableau expressionniste subsiste dans le bureau de Philippe.

Malgré toutes ces qualités artistiques et un couple d’acteurs magnétisant, la répétition de motifs confine le récit, en son centre, à une certaine forme d’immobilisme, donnant la sensation de regarder un moyen-métrage étiré vers le format du long, seul prétendant à une exploitation dans les salles de cinéma. Une structure et un rythme perfectibles qui empêchent ce projet audacieux de s’élever vers les sommets du genre mais qui n’écartent pas cette évidence : Jean-Baptiste Leonetti est un réalisateur à suivre de près.

3 étoiles

 

Carré Blanc

Film français
Réalisateur : Jean-Baptiste Leonetti
Avec : Sami Bouajila, Julie Gayet, Jean-Pierre Andreani, Majid Hives
Scénario de : Jean-Baptiste Leonetti
Durée : 87 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 7 septembre 2011
Distributeur : DistriB Films

Bande Annonce :

Article rédigé par Dom

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2 commentaires

  1. un réalisateur à suivre en effet… et une critique fichtrement pertinente pour ce film ! good…

  2. Merci cher collègue 😉

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