Critique : Armadillo (Janus Metz)

Armadillo. Derrière ce nom exotique, désignant le tatou en anglais, se cache une base opérationnelle avancée en Afghanistan, forteresse qui abrite 200 soldats danois et britanniques. Janus Metz, réalisateur de ce documentaire, et Lars Skree, chef-opérateur, ont suivi, au péril de leur vie, un groupe de soldats volontaires danois durant six mois. Un documentaire édifiant sur un conflit enlisé.

Métaphysique d’une guerre moderne

C’est leur baptême du feu. Ils ont quitté leurs proches en larmes à l’aéroport de Copenhague quelques jours auparavant, décidés à servir leur pays dans le conflit contre les talibans en Afghanistan. Pour la plupart de ces jeunes soldats, cette mission de six mois est une aventure, un grand plongeon dans la réalité de la guerre ; le moment de passer à l’action, de délaisser le clic gauche d’une souris pour la gâchette d’un fusil d’assaut. Derrière les barbelés d’Armadillo, on pourrait se demander comment des troupes aussi équipées, disposant d’une technologie de pointe dans l’armement, se montrent incapables d’anéantir des fanatiques qui se terrent à seulement 800 mètres de là. Le problème est simple : il est impossible de dissocier l’ennemi de la population locale, première victime de ces affrontements se déroulant sur leur terre, au beau milieu de leurs champs. Du bétail est perdu lors de tirs d’obus : dommage collatéral. Une mère ou un fils disparaît durant des échanges de coups de feu : dédommagement financier. Camouflés parmi les civils qu’ils manipulent et menacent, les talibans sont les maitres des lieux malgré les patrouilles régulières des troupes danoises qui révèlent les visages d’un peuple dépité et impuissant, meurtri par un conflit sans issue.

Au-delà du terrible état des lieux, Armadillo est le triste constat d’une impuissance, celui d’un art qui, depuis de nombreuses années, expose l’absurdité et l’horreur des guerres dans l’espoir de changer les mentalités – en vain ! De grands films de guerre se reflètent dans le quotidien des troupes danoises : Full Metal Jacket, pour la brutalité de ces soldats au comportement infantile, Jarhead, pour la frustration, de l’attente des combats et sexuelle ; Démineurs, pour l’addiction à l’adrénaline. Le rapprochement aux oeuvres de fiction est d’autant plus naturel que Janus Metz ne s’est pas contenté de capturer le quotidien grâce à sa présence lors des opérations et par les caméras installées sur les casques des soldats : son documentaire est monté comme une fiction. La photographie, aux contrastes parfois surnaturels, et les ambiances musicales pesantes chargent Armadillo du lyrisme propre au cinéma. Le miroir, inversé, témoigne de l’état d’esprit de ces volontaires qui perdent pied avec le réel.
Au cours d’un épisode clef durant lequel une simple patrouille tourne au massacre d’un groupe de talibans, Janus Metz choisit de présenter le combat en temps réel pour amener à un cruel questionnement éthique : sur l’instant même, ces soldats avaient-ils le choix d’ouvrir le feu ou non sur l’ennemi ? On peut les blâmer de se vanter de leur fait d’armes, qui attirera l’attention de la police militaire, mais dans l’optique de survie, leur geste apparaît comme la seule solution viable.
Armadillo parvient à condenser tous les troubles engendrés par l’occupation de l’Afghanistan à l’échelle humaine. On quitte ce documentaire avec un profond sentiment d’amertume.

4 étoiles

 

Armadillo

Film danois
Réalisateur : Janus Metz
Durée : 105 mn
Genre : Documentaire, Guerre
Date de sortie en France : 15 décembre 2010
Disponible en DVD et Blu-ray depuis le 19 avril 2011

Bonus du DVD & Blu-ray (dans une définition plus faible que le film) :
Scènes coupées :
– Entraînement (13:18)
– Découverte du fort Armadillo (05:02)
– Coopération avec l’armée afghane (06:12)
– Au contact des populations locales (07:51)
– La mort de la petite fille et l’histoire de Jonathan (07:39)
– Fraises sauvages (05:13)
Interview du réalisateur (07:18)
Bande annonce

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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4 commentaires

  1. Une vraie claque en effet, malheureusement passée un peu inaperçue dans les sorties de fin d’année dernière. Janus Metz va à l’inverse de la tendance actuelle de faire de la fiction réaliste en faisant un documentaire aux allures de fiction. Le film gagne en implication émotionnelle du spectateur, et en beauté formelle. La guerre y est montrée à l’état brut, et ce final très borderline (cf. le dépouillage de cadavre) pour nous, simples spectateurs confortablement installés dans nos fauteuils, nous renvoie à la tronche l’impact psychologique de la guerre sur ces jeunes soldats.

  2. Les documentaires sont rarement distribués à grande échelle et c’est fort dommage. Heureusement qu’il existe une seconde vie en DVD & Blu-ray.

  3. Vu ce week-end, un grand grand film. Je regrette de l’avoir raté au ciné.

    Sinon on t’invite sur ASBAF venir tester ta personnalité avec notre grand test Fast & Furious 5, tu vas voir ça va te révéler à toi-même ! http://www.asbaf.fr/2011/05/grand-test-psycho-fast-and-furious-5.html

  4. tres grand documentaire , qui montre bien que rien n’est tout noir ou blanc en zone de conflit

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