Critique : Fighter (David O. Russell)

Fighter

Film américain
Réalisateur : David O. Russell
Avec : Mark Wahlberg, Christian Bale, Melissa Leo, Amy Adams, Jack McGee
Titre original : The Fighter
Scénario de : Scott Silver, Paul Tamasy, Eric Johnson, Keith Dorrington
Directeur de la photographie : Hoyte Van Hoytema
Monteuse : Pamela Martin
Durée : 115 mn
Genre : Biopic, Drame, Sport
Date de sortie en France : 9 mars 2011

 

 

 

 

La trame :

Dicky Eklund, ancien boxeur, a sombré dans la drogue. Il entraine son demi frère Micky Ward dont la carrière reste au point mort.

 

Bande Annonce (VOST) :

 

Critique

On avait pas vu David O. Russell depuis 2004, année où il livra une comédie existentialiste bancale mais loin d’être ratée qui répondait au nom de J’adore Huckabees. Au sein de son excellent casting, on trouvait Mark Wahlberg en étrange pompier qui, dans un soucis écologique, se déplaçait en vélo lors des interventions. Aujourd’hui, Russell remonte sur le ring avec Wahlberg, épaulé par Christian Bale. Ca s’appelle Fighter – et pas The Fighter comme aux Etats-Unis, allez savoir pourquoi – et malgré les deux Oscars remportés – Christian Bale et Melissa Leo meilleurs seconds rôles – le combat de ce biopic est loin d’être gagné…

Comment aborder une histoire vraie ? Comment s’emparer de son sujet ? Comment transcender un destin pour parvenir à une œuvre de cinéma ? Voilà des questions sur lesquelles David O. Russell n’a pas suffisamment médité, scénario en main. Avec une mise en scène à la frontière du documentaire, stimulé par quelques gestes portant la signature d’un Martin Scorsese, Fighter suit deux frangins d’une lignée de ploucs résidant dans le Massachusetts, à Lowell. Dicky Eklund (Christian Bale), camé au crack, ancien boxeur, fierté locale pour avoir tenu en échec Sugar Ray, entraine désormais son demi-frère Micky Ward (Mark Wahlberg) à devenir un champion de boxe. Etouffé par les membres de sa famille, Micky est incapable de progresser et ne connait que les défaites cuisantes, jusqu’au jour où sa petite amie Charlene (Amy Adams) prend en main sa carrière. La chronique familiale a le goût d’une émission de téléréalité racoleuse, et chaque scène dans lesquelles interviennent les sœurs Eklund confine le film à la caricature complète. Russell ne s’intéresse guère à ses personnages – Micky est d’ailleurs transparent –, c’est plutôt l’étincelle qu’il recherche, la détonation colérique autour du boxeur incertain sur la démarche à suivre, divisé par le bon sens et les liens du sang.

Après Breaking Dawn et The Machinist, on ne s’étonne plus de voir Christian Bale la peau sur les os, tel un pantin ayant abandonné tout espoir. Sauf qu’ici, le pantin plane et s’agite comme un damné, convaincu que sa carrière de boxeur connaitra un second souffle. Sachant la prédisposition au cabotinage de l’acteur gallois, sa curieuse prestation qui joint la retenue à l’outrance séduit autant qu’elle laisse perplexe. Derrière les traits et manières probablement empruntés au véritable Dicky Eklund, Bale confectionne une étrange chimère, presque insaisissable, qui relaie le frère cadet au second plan. Ainsi, si la renaissance de Dicky n’est que partielle, elle devient la dynamique de Fighter et l’éloigne du K.O. technique qui semblait inéluctable.

Les combats de boxe adoptent un style visuel de faible définition, à la façon d’une retransmission sur un téléviseur à tube cathodique ; un parti pris indigeste, d’autant plus que Russell est conscient qu’il faut compenser sur un autre plan pour ne pas dissoudre l’énergie et la violence des confrontations. L’environnement sonore est amplifié démesurément pour contrebalancer l’ensemble. Alors que l’ascension de Micky est montrée dans un magnifique plan unique dans l’espace du ring, le combat le plus important de sa carrière est traité à l’identique des précédents combats – au final, les choix artistiques opérés sont assez énigmatiques.
Sur l’univers de la boxe, sur cette famille et plus particulièrement ces deux frangins, David O. Russell reste définitivement à la surface des éléments, si détaché de sa narration qu’il ne dégage aucune émotion, aucune thématique à examiner. Fighter esquive tout pathos, mais un uppercut d’indolence le touche de plein fouet. Générique de fin, les frères à l’origine de ce récit apparaissent, bien heureux que Hollywood ait mis en scène leur histoire. Tant mieux pour eux.

2.5 étoiles

Article rédigé par Dom

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18 commentaires

  1. Christian Bale, majestueux, et à lui seul, suffit a donner de l’intérêt au film, il FAUT le voir.

    Après, est ce un grand film, je ne sais pas, pour ma part j’ai vraiment adhéré du plan familiale aux combats de boxe en eux même (façon de les filmer compris). Pareil pour la BO.

    Bref un film sans tralala, une frappe sèche, qui fait m’a fait franchement vaciller.

    Let’s get ready to rumble.

  2. Heu, Bale est galois il me semble et pas américain. Après, je ne sais pas s’il a demandé la nationalité américaine. Et il ne cabotine que dans les gros trucs, ou de toute façon, il est payé pour ça. Dans The Machinist ou Rescue Dawn, je l’ai trouvé assez juste.

    Marrant parce que je trouve les parti-pris du film assez intéressant : le combat final n’est pas utile à montrer de manière différente puisque ce n’est finalement pas le plus dur. Les sportifs de haut niveau racontent souvent, dans les sports individuels, comme le tennis par exemple, que certains petits matches sont plus marquant à leurs yeux que certaines finales. J’ai vu dans ce film la même chose.

    Je suis d’accord avec toi sur le parti pris du réalisateur de ne pas s’attacher à trop taper sur les uns et les autres. Mais en même temps, c’est bien de voir des films qui s’abstiennent de nous montrer, que dis-je, imposer des jugements bien factices.

    Après, c’est clair que c’est pas l’univers de la boxe qui est décrit et ça n’intéressait pas grand monde. Ca se sent bien. Mais bon, c’est franchement à voir.

  3. « il ne dégage aucune émotion » OUHHH !

    J’ai eu les larmes aux yeux un paquet de fois, bon c’est de l’émotion facile, pas des larmes face à du grand art beau à en chialer quoi, mais quand même 🙂

    La réalisation est efficace, les zooms sur le dialogue entre les deux frères dans le combat final et qui extériorise tous les autres bruits (je crois), j’ai trouvé ça assez monumental sur le moment, ok pas exceptionnel, mais bien foutu d’un bout à l’autre, extrêmement bien joué, et touchant

  4. T’es hard avec ce film, quand même. Le rôle de Chris Bale était loin d’être évident, et il s’en sort avec les honneurs. C’est un acteur qui a plus d’une corde à son arc et qui le montre à chaque film. Que ce soit du gros budget ou non, l’important n’est pas là. Il arrive à incarner des personnages très différents, qui sont aussi des défis à relever, comme Equilibrium. Il passe de Batman à Dicky Eklund avec une facilité presque déconcertante. Il a une vraie présence à l’écran, et ça fait toute la force de The Fighter, qui avait besoin d’une « gueule » pour ce rôle.

    J’ai trouvé que Russell avait très bien réussit la mise en scène de cette famille. Micky est complétement bouffé par sa mère, par son frère, et en minorité face à ses sœurs. A l’écran ça donne donc un Mark Walhberg qui s’efface, Chris Bale qui accapare l’écran, la mère à la limite de la caricature, et les sœurs qui font bloc, au sens propre. C’est une traduction fidèle au scénario.

  5. Comme toi je suis mitigé, je m’attendais à plus en fait, du coup j’ai été déçu.

    Ce qui m’a déplu dans le film c’est la 1ere partie qui m’a profondément ennuyé. Mais la 2e partie j’ai bien aimé. Étrangement c’est quand Bale est moins présent. Pourtant je l’ai bien aimé ce Dicky !

    Pour finir heureusement que la rouquine a pas eu l’oscar du Meilleur 2nd rôle, parce que j’aurais pas compris …

  6. @Mat : Majestueux je sais pas… vraiment, en plus, toi qui a pour habitude de ne pas apprécier l’acting aussi expressif, je suis étonné que ça t’ait séduit.

    @Dex, eh bien merci de me signaler cette grossière erreur, Bale est toujours galois jusqu’à preuve du contraire ! Parmi les quelques critiques positives que j’avais lu cette semaine, il y avait la tienne. C’est vrai que Bale dérape dans les gros trucs, à l’exception des Batman mais je trouve que Nolan sait le diriger parfaitement (voir aussi Le Prestige !). Sur Rescue Dawn, il est vraiment bon, mais y a une poignée de scènes où encore une fois, je trouve qu’il va trop loin (surtout dans ses intonations).
    Concernant les matchs, on est en pleine subjectivité mais j’ai vraiment trouvé dommage que la mise en scène ne soit pas plus sophistiqué à ce niveau. Ensuite, concernant des jugements, un réalisateur peut inviter à réfléchir sans que son film soit pédant ni moralisateur.
    Comme tu dis, on ne plonge pas tout à fait dans l’univers de la boxe mais le portrait familial est fait avec de gros traits. J’ai vraiment eu la sensation que tout était survolé.

    @MatthieuGB, oui, vraiment, au niveau émotionnel, je n’ai rien ressenti. Quand Bale commence à entonner « I started a joke » aux côté de sa mère, keudal ; même lorsque sevré, il se tord de douleur dans sa cellule…

    @Pearly Rose, un rôle certainement difficile mais le résultat à l’image est parfois déconcertant. Hormis les scènes avec plus de retenue, notamment dans la deuxième partie, j’ai eu l’impression qu’il soulignait trop le côté déluré de Dicky. En fait, c’est comme s’il se tenait en équilibre à l’orée de la frontière ténue où l’on ne croit plus au jeu d’acteur, car trop outrancier. Si je suis amené à revoir le film, je pense me concentrer uniquement sur le jeu de Bale car au fond, il reste quelque chose d’indéchiffrable dans ce rôle – et c’est peut-être là sa force ?
    Quant au scénario, comme je dis à Dex, il est parcouru sans que l’on sente un intérêt véritable de la part du réalisateur.

    @Boris, y a effectivement un point de bascule avec l’arrivée en prison de Dicky ; un peu plus d’introspection, beaucoup moins de scènes avec la famille au complet.

  7. Majestueux, oui. Il joue un détraqué, il le joue bien, et parfois, un détraqué, ça part dans des extrêmes, et Bale, le pousse jusqu’à ce niveau.

    Et l’acting aussi expressif…… hum….. tout les rôles de détraqué je trouve ça simplement ultime, du Nicholson (du OLD Nicholson), du Ledger (d’ailleurs Bale a un peu la même façon de parle que le Joker du Dark Knight), du Di Caprio (Basketball Diaries, Aviator….), du Depp (Parano….)…. bref non, rien de surprenant, Bale est bien la, et très solide.

  8. Nicholson a un penchant naturel pour les accès de folie ; pour les rôles cités de DiCaprio, c’est plus une folie contrôlée, qui gangrène le personnage de l’intérieur ; pour Depp, c’est également dans ses cordes et d’un naturel déconcertant. Alors oui, ce sont des rôles expressifs mais joués d’une toute autre façon. Dans le cas présent avec Bale, il y a une certaine démarche presque… mécanique.

  9. en effet je suis resté un peu sur ma faim avec ce film… surtout que la presse était en grande partie très élogieuse… bon film, mais sans plus en fait… ou alors j’ai rien compris.

  10. Enfin quelqu’un qui est d’accord avec moi !
    Sous prétexte que son film est tiré d’un histoire vraie, David O. Russell semble penser que ça suffit à en faire un film fort. C’est oublier que son sujet à déjà été maintes fois traité au cinéma. D’ailleurs les distributeurs ont du se rendre compte de cette lacune, au point de faire du « Based on a true story » l’élément clé de la campagne promo.
    Et ce n’est pas dans les combats que le réalisateur redresse le niveau. D’accord ils sont très bien chorégraphiés, mais le fait d’adopter le point de vue de la télévision éloigne encore plus le spectateur de l’émotion.
    Heureusement, les acteurs, tous brillants mais C. Bale en tête, sauvent le film.

  11. Sauvent, sauvent … le rendent potable tu veux dire ^^. Et j’irais plus loin même, à part Bale qui est bon, et Marko qui tiens la route, les autres sont vraiment « ennuyeux » pour pas dire autre chose.

  12. J’ai l’impression que le film est, comme diraient nos camarades anglophones, « overrated » ; est-ce un syndrome post Golden Globe et Oscar ? Beaucoup d’esbroufe…

    Pour revenir sur les combats, celui où Micky fout le gars K.O. sur les derniers round en le frappant dans le foie, j’ai trouvé la mise en scène lamentable : lors du ralenti, on voit clairement que le type attend de recevoir les coups ; dans le feu de l’action ça passait mais le ralenti est minable ! Quant aux acteurs, je reviens à nouveau sur les soeurs que j’ai trouvé ridicule. A la limite, celle qui m’a le plus marquer, c’est Amy Adams.

    Le plus amusant là-dedans c’est que Mark Wahlberg est chaud du slip pour lancer un Fighter 2 ! Il veut son Oscar lui aussi !

  13. Dom, tu as déjà vu un match de boxe avec K.O. par coup au foie avant d’estimer que c’est mal joué ?

  14. En boxe non mais en UFC oui. Là, le type est clairement immobile, dans l’attente des coups.

  15. Le mec est cramé, il sait que le coup va arriver mais il n’a plus la force de réagir. C’est souvent le cas dans les match de boxe ^^.

  16. Cramé, il a pris un unique coup ; le plan est vraiment moche, on dirait un rush !
    Il y a une superbe formule de Joachim Lepastier à propos du film dans les cahiers du cinéma n°665 : « […] un film qui comme son héros – un vainqueur sans style qui encaisse beaucoup pour pouvoir déstabiliser par surprise – travaille à nous convaincre de sa sincérité et de son engagement, mais emporte l’adhésion sans grande flamboyance, simplement par la paradoxale séduction de sa propre grimace. »
    Je pense que ça résume élégamment Fighter.

  17. The Fighter est une oeuvre de grande qualité. Encore faut-il le comprendre.

  18. Comme nous en avons déjà discuté sur Twitter, je trouve que Fighter est un film assez opportuniste, il joue sur des valeurs appréciées du public et utilise une trame des plus éculées. Alors, oui, il y a toujours l’argument « c’est une histoire vraie », mais doivent-elles toutes être racontées au cinéma ? J’en doute fortement, surtout ainsi.

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