Cannes 2019 : la compétition

Jeudi 18 avril 2019, la conférence de presse du 72ème Festival de Cannes a révélé la majeure partie de la Sélection Officielle, de la compétition à Un Certain regard, en passant par les séances spéciales. Résumé de cet événement, avec un focus sur les longs métrages en lice pour la Palme d’Or.

Le menu tant attendu

Après des semaines de spéculations internationales, amplifiées par les réseaux sociaux, les premières vérités tombent enfin, mais sans mettre un terme aux rumeurs et dicussions : non seulement la Sélection officielle n’est jamais annoncée entièrement, mais le programme cannois s’étend aussi avec la Quinzaine des réalisateurs, la Semaine de la Critique ainsi que la programmation de l’ACID dans quelques jours.

Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes et Pierre Lescure, président du festival, s’excusent pour le petit retard avec lequel débute la conférence : le quartier général du festival s’est éloigné de l’UGC Normandie des Champs-Elysées, et les nombreux travaux dans les rues de la capitale auront eu raison de l’assiduité du duo à la tête du Festival de Cannes.

© Photo : La Pointe courte / 1994 Agnès Varda et ses enfants – Montage & maquette : Flore Maquin

Pierre Lescure évoque tout d’abord l’affiche de la 72ème édition : un montage d’Agnès Varda d’une photo prise sur le tournage de son premier film, le court métrage La Pointe courte. Une affiche qui souligne l’engagement pour la création, la cinéaste allant jusqu’à monter sur le dos d’un collaborateur dans le but de tourner un plan – au passage, saluons la scripte Jane Vilardebó effacée du cliché source. En 2019, le Marché du film soufflera sa 60ème bougie, un anniversaire qui s’accompagne d’une hausse des demandes d’accréditation. Le président du festival a ensuite souligné le rayonnement et la carrière de certains films passées par la sélection officielle en 2018, Une histoire de famille d’Hirokazu Kore-Eda, Palme d’Or, a cumulé 800 000 entrées en France, le double par rapport au précédent film du cinéaste. Le Grand prix du jury, Blackkklansman de Spike Lee, est allé chercher l’Oscar du meilleur scénario adapté. Côté français, Le Grand bain de Gilles Lellouche, présenté hors compétition, a renversé le box office français et reçu de nombreuses nominations aux César, avec un prix pour Philippe Katerine en second rôle masculin.
Thierry Frémaux prend ensuite la parole pour égrener le programme, complet à 90%. Cette année, 13 réalisatrices présenteront leurs œuvres dans la Sélection Officielle, et si le délégué général n’a pas de statistiques à nous donner sur le nombre de longs métrages vus cette année, il continue sur l’égalité en déclarant que le comité de sélection est désormais parfaitement paritaire, avec quatre femmes et quatre hommes. Cette année, une thématique se dégage des films sélectionnés, « le romantisme et la politique », avec, à divers degrés, des œuvres touchant au cinéma de genre, abordant la problématique de l’argent et pénétrant dans les maisons et appartements – un programme qui intrigue, évidemment !

Longs métrages en compétition

The Dead Don’t die de Jim Jarmusch (Film d’ouverture)
Douleur et gloire de Pedro Almodovar
Le Traitre de Marco Bellochio
Parasite de Bong Joon-ho
Le Jeune Ahmed de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin
Le Lac aux oies sauvages de Yinan Diao
Atlantique de Mati Diop
Matthias et Maxime de Xavier Dolan
Little Joe de Jessica Hausner
Sorry we missed you de Ken Loach
Les Misérables de Ladj Ly (1er film)
Une vie cachée de Terrence Malick
Bacurau de Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho
Les Siffleurs de Corneliu Porumboiu
Frankie d’Ira Sachs
Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma
It must be heaven d’Elia Suleiman
Sibyl de Justine Triet
Ajouts du 2 mai :
Once upon a time… in Hollywood de Quentin Tarantino
Mektoub my love : Intermezzo d’Abdellatif Kechiche

Les prétendants à la Palme d’Or

Sans jouer au futile jeu de désigner déjà des favoris pour la Palme d’Or sans avoir vu le moindre film, voici ce que l’on peut souligner sur la composition de cette compétition.

Les Misérables

Pour son premier long métrage, Ladj Ly, issu du collectif Kourtrajmé, frappe fort puisque Les Misérables s’octroie une des si convoitées places françaises en compétition. Une œuvre qui évoque la banlieue au travers de membres de la BAC : sujet brûlant ! Mais le bal s’ouvrira avec les zombies de Jim Jarmusch, avec The Dead don’t die et son casting qui promet un premier tapis rouge où les prénoms de stars seront scandés de toutes parts : Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Iggy Pop, Danny Glover, Steve Buscemi, Chloë Sevigny, RZA, … Une sortie simultanée dans le reste de la France assurera le rayonnement du coup d’envoi à l’échelle nationale : 400 salles devraient projeter le film, et pour certaines, avec la cérémonie d’ouverture comme si vous y étiez. L’édition 2019 du Festival de Cannes marque un grand retour, celui de Terrence Malick, dont le si attendu Radegund, s’intitulant finalement Une vie cachée en France, nous conduira en Autriche, auprès d’un homme refusant de combattre pour les nazis. Le dernier passage du cinéaste texan remonte à 2011 avec The Tree of Life, lauréat de la Palme d’Or.
D’autres palmés seront présents, les frères Dardenne avec Le Jeune Ahmed. Systématiquement présents à Cannes et en compétition depuis Rosette, leur première Palme d’Or, les frères belges n’ont cependant pas remporté de prix depuis le Grand prix du jury pour Le Gamin au vélo en 2011. Autre sujet brûlant puisqu’il y sera question d’un adolescent se radicalisant suite à ses interprétations du Coran. Autre double palmé, Ken Loach, qui d’ailleurs avait reçu sa seconde récompense suprême lors de sa précédente venue, en 2016, avec Moi, Daniel Blake. Fidèle à son credo, Sorry we missed you met en lumière la vie précaire outre manche, en se penchant sur le phénomène de l’uberisation.

Désirs de longue date

Douleur et Gloire

Il y a des cinéastes qui peuvent débuter une collection de Palme d’Or, et ceux qui la caressent sans la saisir au fil des années : avec cinq films en compétition et seulement deux prix officiels, Pedro Almodóvar fait partie de cette seconde catégorie. Le fortement autobiographique Douleur et Gloire, déjà en salle en Espagne, marque sa sixième entrée en compétition, et si c’est pour cette fois, il fera forcément des déçus comme le cinéaste plus jeune et déjà autant primé que lui à Cannes, Xavier Dolan, dont le nouveau long métrage, Matthias et Maxime n’aura pas connu les soucis de post-production du triste Ma vie avec John F. Donovan. Dolan, derrière et face à la caméra, explore la sexualité de deux amis d’enfance, troublés suite à un baiser échangé pour un court métrage. Autre réalisateur qui foulera le tapis rouge du Grand Théâtre Lumière pour la sixième fois en compétition, Arnaud Desplechin. En 2015, d’aucuns avaient critiqué l’absence du cinéaste en compétition, qui décrocha à la Quinzaine des réalisateurs le prix SACD avec Trois souvenirs de ma jeunesse. Roubaix, une lumière se présente comme un thriller avec un meurtre commis le soir de Noël. On y retrouvera Roschdy Zem, Léa Seydoux et Sara Forestier. Mais le cinéaste ayant participé le plus à la compétition est l’italien Marco Bellocchio, Le Traitre, inspiré de la vie du mafieux sicilien Tommaso Buscetta , marque en effet son septième rendez-vous cannois sous le feu des projecteurs.

Deuxième ticket

Parasite

Lors de son précédent passage à Cannes, Bong Joon-ho était en compétition avec l’écurie Netflix, désormais non désirée en compétition tant que leurs films ne sortiront pas dans les salles françaises. La polémique n’ira pas plus loin cette année puisque aucune de leurs productions cinématographiques n’est prête pour le mois de mai, et peut-être que c’est du côté de Venise que des festivaliers pourront découvrir The Irishman de Martin Scorsese, d’autant plus après l’accueil très favorable et le Lion d’Or pour Roma. Okja de Bong Joon-ho fut autant discuté pour son mode de distribution que son fond, pour gagner les rangs de la plateforme de streaming américaine sans le moindre prix. Parasite, distribué par Les Bookmakers et The Jokers en France à partir du 5 juin, le protège cette fois de débat du circuit de distribution. Dans ce drame qui lorgnera forcément du côté thriller, le cinéaste sud-coréen adapte un manga d’Hitoshi Iwaaki, en plongeant dans une étrange situation une famille de chômeurs avec leurs voisins pleins aux as. Deuxième présence en compétition pour le cinéaste brésilien Kleber Mendonça Filho, non primé en 2016 avec le sublime Aquarius. On retrouve d’ailleurs encore la géniale comédienne Sônia Braga dans Bacureau, co-réalisé avec Juliano Dornelles et dont le cadre social tournera très rapidement à la science-fiction : rien de plus intriguant que la soucoupe volante présente sur l’affiche internationale – et provisoire ? – du film. En 2009, Elia Suleiman repart bredouille de la croisette malgré un film fabuleux, Le temps qu’il reste. Dans It must be heaven, le cinéaste né à Israël racontera avec humour sa quête d’une terre d’accueil dans un récit d’exil qu’on imagine déjà si singulier.

De grandes premières

Sibyl

Avec Les Misérables de Ladj Ly, ce ne sont pas moins de huit cinéastes qui se retrouvent en compétition pour la première fois, dont quatre réalisatrices. Justine Triet avance à grand pas à Cannes, son premier long métrage, La Bataille de Solférino, comptait parmi les films de l’ACID en 2013. En 2016, sa comédie dramatique avec Virginie Efira, Victoria ouvrait la Semaine de la Critique. Direction le Grand Théâtre Lumière cette année, toujours accompagnée par Virginie Efira dans le rôle titre de Sibyl, une psychanalyste qui retrouve l’aspiration à devenir romancière. L’actrice et réalisatrice Mati Diop nous conduira à Dakar avec Atlantique, où il sera question de flux migratoires et d’amour, s’inscrivant parfaitement dans la continuité de son moyen métrage Mille Soleils en 2014. L’autrichienne Jessica Hausner avait présenté Amour fou dans la section Un Certain Regard en 2014, la voici désormais en pleine lumière avec Little Joe, une œuvre où les mutations génétiques faites sur une plante va provoquer des changements radicaux pour les personnes à son contact. Bien plus éloignée de la science-fiction, Céline Sciamma, dont le dernier passage à Cannes en tant que réalisatrice remonte à 2014 avec Bande de filles à la Quinzaine des réalisateurs, nous plongera sur une île bretonne au XVIIIème siècle avec son Portrait de la jeune fille en feu, qui a donc trait à la peinture, avec Adèle Haenel, Valeria Golino et Noémie Merlant.

Les Siffleurs

Le roumain Corneliu Porumboiu a déjà un long et beau parcours à Cannes, déjà avec un Prix ex aequo à la Cinéfondation en 2003 pour Un voyage à la ville, une Caméra d’Or en 2006 avec 12h08 à l’Est de Bucarest, et des prix à Un Certain Regard pour Policier, Adjectif et Le Trésor. La présence en compétition de son nouveau long métrage, une comédie policière intitulée Les Siffleurs, s’inscrit donc dans un cheminement logique. La carrière du réalisateur américain Ira Sachs a débuté au début des années 1990, et Frankie lui offre son premier rendez-vous sur la croisette – est-ce Isabelle Huppert, dans le rôle titre, qui lui a porté chance ? En tout cas, c’est à Sintra au Portugal que se déroule ce drame dans lequel on trouve aussi Marisa Tomei, Jérémie Renier ou encore Brendan Gleeson. Enfin, le rare Yinan Diao, qui a glané un Ours d’Or à Berlin avec son précédent long métrage, Black Coal en 2014, revient à Cannes après la présentation à Un Certain Regard de Train de nuit en 2007. Son thriller Le Lac aux oies sauvages nous placera au sein d’une chasse à l’homme avec un chef de gang et une prostituée. Yinan Diao réussira-t-il à saisir la Palme d’Or convoité par son compatriote Jia Zhangke ? Réponse samedi 25 mai 2019 le soir de la remise des prix et de la clôture – dont la nature du dernier film restait encore une inconnue lors de la conférence, le choix de la projection du film couronné par la Palme d’Or pouvant faire place à nouveau à une exclusivité de fin de festival.

Un Tarantino nommé désir

Once upon a time… in Hollywood

Cette compétition, constituée de 19 longs métrages à l’heure actuelle – on devrait compter un à trois ajouts d’ici le début du festival –, bien qu’extrêmement prometteuse, par ces habitués décriés par certains journalistes blasés, ces cinéastes plus jeunes – qui seront pour certains étrillés par certains journalistes blasés –, les différentes perspectives que devraient offrir ces longs métrages, brille aussi par une absence, celle de Quentin Tarantino. Il ne faut pas y voir un choix de Thierry Frémaux ni du comité de sélection puisque le délégué général a eu la chance de voir une partie du film, qualifiée d’excellente, mais à l’heure actuelle, le neuvième long métrage de QT n’est pas terminé. Avec un tournage en 35 mm, la post-production s’avère plus longue qu’en numérique, et si Tarantino aimerait faire son grand retour en compétition, dix ans après Inglorious Basterds – prix d’interprétation masculine pour Christoph Waltz –, il faudra que lui et ses équipes passent de courtes nuits jusqu’à la mi mai, dans l’espoir de voir le réalisateur de Pulp Fiction débarquer avec son fabuleux casting : Leonardo DiCaprio, Margot Robbie, Brad Pitt, Al Pacino, Dakota Fanning, Kurt Russsell, Tim Roth et tant de grands noms du cinéma américain se retrouvant dans Once upon a time… in Hollywood. Le film sortira le 26 juillet aux Etats-unis et gagnera les salles françaises à partir du 14 août. La course contre la montre a débuté, et nos doigts sont croisés.

Margot Robbie et le chef opérateur Robert Richardson sur le tournage du 8ème long métrage de Quentin Tarantino

Grandes arrivées tardives

Paragraphe ajouté suite aux compléments de sélection du 2 mai 2019
Des semaines de travail sans relâche en post-production permettent à Quentin Tarantino de confirmer le rendez-vous avec la compétition cannoise, une annonce rendue officielle le 2 mai. Palmé il y a 25 ans pour Pulp Fiction, Once upon a time… in Hollywood marque le retour en compétition de Tarantino, dix ans après Inglourious Basterds, qui fut distingué par le Prix d’interprétation masculine pour Christoph Waltz. Annoncé dans nos salles pour le 14 août et le 26 juillet aux Etats-Unis, le nouveau film de Quentin Tarantino constitue un des événements majeurs de la 72ème édition du Festival de Cannes, avec un casting hors norme, à faire pâlir la bande de Jarmusch avec The dead don’t die. Ce film de 2H45 sera sans doute le plus couru et les files d’attentes devraient s’étendre à perte de vue autour des différentes salles où il sera projeté. Autre retour d’un palmé dans les compléments de la Sélection officielle, celui d’Abdellatif Kechiche, qui n’a sorti qu’un seul long métrage depuis la Palme d’Or reçue pour La Vie d’Adèle, Mektoub my love : canto uno. Sa fin ouverte laissait présager une suite, qui fut rapidement confirmée par les comédiens et ce second opus, baptisé Mektoub my Love : Intermezzo, est donc à découvrir à Cannes. Nous retrouverons Shaïn Boudemine, Ophélie Bau ainsi que Lou Luttiau pour suivre l’évolution sentimentale de cette jeunesse sur la côte méditerranéenne. Ce film constituera aussi le « plat principal » de la compétition, en fin de festival, avec sa durée de 4H, qui permet sans doute encore une fois au cinéaste de jouer avec la perception du temps. La compétition comporte depuis le 2 mai 2019 21 longs métrages, et vu la qualité des autres sections et sélections, on espère désormais que plus personne ne viendra gonfler ses rangs, car les choix à faire sur place seront alors de plus en plus cruels !

La Sélection officielle ne se limite pas à la compétition, loin de là, découvrez les Séances Spéciales, les films Hors compétition, Séances de minuit et Un Certain Regard sur le site officiel du festival.
Découvrez aussi la liste des courts métrages en compétition ainsi que les films retenus à la Cinéfondation.
Cet article sera mis à jour au fil des annonces du festival.

Article rédigé par Dom

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