Critique : L’économie du couple

Passé par la Quinzaine des réalisateurs au mois de mai 2016, L’économie du couple étudie la situation de rupture délicate de parents de jeunes jumelles. Un long métrage également marqué par une rupture, entre un cinéma puissant et un versant moins incarné.

Dissension

Le cinéaste belge Joachim Lafosse opte pour le huis clos pour traiter de la séparation d’un couple ayant donné naissance à des jumelles. Huis clos caractérisé par une grande mobilité de la caméra – on pourrait presque penser à un autre film cannois, Sieranevada, mais le roumain s’avère bien plus radical –, accompagnant dans des mouvements panoramiques Bérénice Bejo (Marie) et Cédric Kahn (Boris), qui se disputent autour de la garde des filles ainsi que les parts de la vente de l’appartement familial. Peu d’éléments sont offerts au spectateur pour cerner Marie et Boris, si ce n’est que la première vient d’une famille huppée, qu’elle travaille à la fac alors que l’autre vient d’un milieu plus modeste et travaille de ses mains sur des chantiers. Joachim Lafosse se concentre sur l’ambivalence du stade atteint par le couple, incapable de se séparer, mais tout aussi incapable de vivre ensemble, face à des filles parfois médusées par les confrontations orales et jeux cruels auxquels s’adonnent les adultes. Le problème du film se manifeste dans le temps : à exploiter la mère et le père comme de pures entités conflictuelles, le réalisateur leur ôte leur substance, du caractère au-delà des informations basiques fournies par le récit. Les personnages reposent alors sur les comédiens et leur charisme, et le duo Bénérice Bejo/Cédric Kahn fonctionne plutôt bien, mais l’immobilité du récit, privant le film de tout élan, diminue les enjeux dramaturgiques. Si parfois, l’émotion jaillit, L’Economie du couple montre souvent une forme d’artificialité dans sa série de confrontations, parfois puériles et répétitives – elle lui interdit de voir ses filles à tel ou tel moment, il insiste pour s’immiscer aux repas, elle lui accorde un tiers de la vente de l’appartement, il refuse toute proposition autre que la moitié du prix de vente.

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Oscillation permanente entre l’attraction et la répulsion qui habitent Marie et Boris, L’économie du couple entrevoit plusieurs issues à cette histoire qui retransmet parfaitement les maux actuels de notre société : difficulté à se loger, difficulté à trouver un emploi, et peut-être le plus fort, annoncé par la mère de Marie (Marthe Keller), la difficulté pour un couple de résister aux obstacles et accidents. Une société qui s’est accoutumée au fait de tout jeter, de tout remplacer sans jamais chercher à réparer et encore moins à consolider ses bases. Au fil des minutes, le petit jeu vicieux où sont au centre l’appartement et les jumelles, le capital du couple, les enfants devenant presque une valeur marchande également, conduit les deux figures parentales en personnages à la lisière de l’antipathie : le huis clos et le manque de caractérisation ont raison d’eux, et c’est grâce à une petite astuce scénaristique que Joachim Lafosse évite de justesse l’accident fatal à son œuvre dans sa dernière partie. Dommage que l’argument du film se limite à un combat d’ego plutôt statique, maigre en matière narrative, car il y a de belles émotions qui prennent le spectateur au cours de L’économie du couple, exposition d’une bataille parentale un brin rigide et manquant souvent de spontanéité.

2.5 étoiles

 

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L’économie du couple

Film belge, français
Réalisateur : Joachim Lafosse
Avec : Bérénice Bejo, Cédric Kahn, Marthe Keller, Jade Soentjens, Margaux Soentjens
Scénario de : Fanny Burdino, Mazarine Pingeot, Thomas van Zuylen, Joachim Lafosse
Durée : 100 mn
Genre : Drame
Date de sortie en France : 10 août 2016
Distributeur : Le Pacte

Bande Annonce :

Article rédigé par Dom

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