Critique : Midnight Special

Jeff Nichols poursuit son œuvre consacrée à la famille avec Midnight Special en gagnant le terrain de la science-fiction. Si l’on reconnaît la patte artistique du réalisateur américain, la substance n’y est pas vraiment. Une déception.

Minuit ordinaire

En trois longs métrages, Shotgun Stories, Take Shelter et Mud, Jeff Nichols s’est révélé comme l’un des nouveaux cinéastes les plus passionnants de ces dix dernières années. Ce fervent défenseur de la pellicule – qui continue de nous livrer de superbes plans avec le chef opérateur Adam Stone – construit sa filmographie sur l’humain, et plus particulièrement les liens familiaux et sentimentaux. Midnight Special s’inscrit aussi dans cette logique mais se prive violemment de toute étude de caractère, limitant la psychologie de ses personnages dans un mouvement de recherche et de fuite qui occupe tout le film, sauf lors de parenthèses assez décevantes tant la proposition se cantonne à du déjà-vu. Le petit Alton (Jaeden Lieberher) est kidnappé par son père biologique Roy (Michael Shannon), épaulé par Lucas (Joel Edgerton). Recherchés par la communauté sectaire où vivait son fils ainsi que les forces de l’ordre, les deux hommes, qui retrouveront dans leur parcours la mère du garçon, jouée par Kirsten Dunst, tenteront de le conduire à un endroit précis où un phénomène mystérieux devrait avoir lieu. Car Alton est un garçon particulier, qui capte des fréquences radio, dicte des coordonnées qui inquiète les fédéraux, semble craindre la lumière du jour mais détient d’étranges pouvoirs. Si Jeff Nichols convoque parfois Steven Spielbergdans son cinéma, il lorgne ici du côté d’un John Carpenter, entre Starman et Le Village des damnés pour l’imagerie, quand le regard devient source lumineuse. Dans Midnight Special, le problème tient dans l’asservissement complet du film à ses propres mystères, annihilant les personnages et réduisant les arcs thématiques.

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Hormis quelques scènes fantastiques, comme la chute d’un satellite au-dessus d’une station service, ou bien l’émotion que peut susciter le regard d’un père vers son enfant, Midnight Special peine autant à engager qu’à émerveiller le spectateur. Or, c’est précisément dans sa capacité à émerveiller, dans sa possibilité de s’envoler vers l’extraordinaire que le nouveau film de Jeff Nichols pouvait marquer des points. Tout comme l’expert de la NSA joué par Adam Driver, le spectateur n’a droit qu’à quelques tours de magie millimétrés en guise de plat principal. La dernière partie du film ne conduit pas à l’épiphanie mais au pétard mouillé, l’aboutissement cherchant précisément à se nicher entre le tangible et l’insaisissable sans réelles perspectives. Une fois sortie de sa nébuleuse, le film n’a rien offert d’autre qu’un voyage mis en scène délicatement, parcours aux visions qui tiennent plus du cocktail nostalgique que de la primeur attendue dans un tel style. Dommage que ce changement de registre pour Nichols ne soit pas payant, mais on le retrouvera très vite dans un drame plus classique avec Loving, probablement parmi les longs métrages présentés au prochain festival de Cannes.

2 étoiles

 

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Midnight Special

Film américain
Réalisateur : Jeff Nichols
Avec : Michael Shannon, Jaeden Lieberher, Joel Edgerton, Kirsten Dunst, Adam Driver, Sam Shepard, Bill Camp
Scénario de :
Durée : 111 mn
Genre : Aventure, Drame, Science-fiction
Date de sortie en France : 16 mars 2016
Distributeur : Warner Bros. France

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. Après il ne fallait pas s’attendre à un pur film de SF au vu de la filmo de jeff nichols. De mon humble avis, ils sont rares les réalisateurs pouvant faire le grand écart entre genre si différent. De tête, je vois que Kubrick (il y en a certainement d’autre). Même Her ou Moon sont des films de SF relativement atypique (voir d’anticipation) et sont de réalisateurs ayant une filmo à mimima à caractère fantastique.

  2. SF, fantastique, on peut aussi se pencher sur le terme exact ici mais à mes yeux ce n’est pas une problématique : mon avis ne dépend pas du genre ni d’une éventuelle attente – j’essaie, surtout avec les réalisateurs que je connais bien, d’entrer dans la salle sans attendre quelque chose, sans non plus chercher à revivre ce qui m’a plu dans un précédent film.

  3. Ce que je veux dire c’est que les précédents films de jeff nichols n’ont rien à voir avec la SF et que je trouve que c’est tout à son honneur de s’attaquer à un genre complètement différent quand la facilité serait de faire un énième film identique aux précédents. D’autant plus que ses précédents films sont assez atypiques et forts pour ne pas dire originales. Donc on peut raisonnablement se dire que quand un réalisateur avec une patte artistique s’attaque à un genre vieux comme le monde et très codifié, il y ait des chances que ça déboîte.

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