Interstellar : Aimer, Apprendre et Préserver

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Interstellar, le dernier film en date de Christopher Nolan, est en salle depuis quelques semaines en France. Voici donc venu le moment d’explorer quelques thématiques fortes portées par ce film exceptionnel. Attention, cet article révèle des éléments clés du film, pour un avis sans spoiler, direction la critique du film.

Amour triomphal

Rarement l’exploration spatiale aura été l’occasion au cinéma d’évoquer autant l’amour, et de parler d’amour avec une énergie spectaculaire, bouleversante et, au final, si stimulante. Aucune histoire de couple ici – bien que le film dessine au travers d’Emilia Brand et Cooper la possibilité d’une relation –, ni de jeunes amants se noyant dans la salive de leurs propres baisers, mais un amour filial, qui permet d’assurer la survie d’une partie des terriens. Dans Interstellar, sans attache familiale, la survie ne peut pas être entrevue : avant même que Cooper, Emilia Brand, Romilly et Doyle ne décollent pour découvrir trois mondes, les douze rangers envoyés lors de la mission Lazare étaient condamnés à une mort dans la plus grande solitude, sauf un ou une chanceuse découvrant une planète viable pour l’humanité.

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Bien que le film s’achève sur une note d’optimisme, aucun des douze rangers n’aura eu la chance de finir son existence en compagnie humaine pour deux raisons. Alors que la découverte de la planète aquatique de Miller conduit à la mort de Doyle – vraisemblablement sans famille –, l’impossibilité d’exploiter les deux autres mondes à proximité se dresse. Dilemme : se diriger vers la planète du Dr. Mann aux résultats prometteurs ou bien celle du Dr. Edmunds, ayant fourni des données intéressantes mais ne donnant plus aucun signe de vie depuis plusieurs années. S’écartant de tout raisonnement scientifique, Emilia Brand choisit d’écouter son cœur, optant pour le Dr. Edmunds, pour lequel la jeune femme exprime un sentiment amoureux. Cooper et Romilly préfèrent se fier aux données envoyés par le Dr. Mann – excellent choix de casting avec Matt Damon, qui élimine par son image et son charisme toute méfiance à son égard. Trahis par Mann, cette nouvelle escale conduit à la mort de Romilly – lui aussi, vraisemblablement sans famille – ainsi qu’à celle du traître dans une scène symboliquement forte. Alors qu’il a tenté de tuer Cooper, le Dr. Mann décide de regagner le vaisseau Endurance – pour se diriger vers la planète d’Edmunds ou regagner la Terre, peu importe ses intentions. Seul hic pour lui, TARS a bloqué l’amerrissage automatique, obligeant un raccord manuel avec le vaisseau mère Endurance. Une connexion que ne parvient pas à réaliser correctement le Dr. Mann, ce qui provoque une explosion lui étant fatale et qui endommage le navire spatial. L’Endurance menace de s’écraser vers la planète de glace mais la détermination de Cooper et l’aide des robots lui permettra de survivre avec Brand dans une scène époustouflante de tension, où le raccord s’accomplit dans des conditions extrêmes et spectaculaires.

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Il y a, dans ces scènes de raccord, une allégorie du cordon ombilical inversée – il faut établir à nouveau la liaison au lieu de la rompre. De tous les personnages envoyés dans l’espace, seuls les deux possédant des attaches familiales (et sentimentales) parviendront à survivre et accomplir leur tâche : Emilia, qui laissait son père sur Terre et visait son amour sur une planète inconnue et Cooper, qui quittait son fils Tom et surtout sa fille Murphy, s’étant détournée de lui suite à son départ vécu comme un abandon. L’idée principale qui agite Interstellar démontre que l’amour peut tout transcender, l’espace et le temps y compris. D’aucuns critiqueront la scène se déroulant dans le trou noir, où Cooper parvient à communiquer avec Murphy, montrant du doigt la volonté absolue pour Christopher Nolan de tout expliquer, évacuant tout aspect métaphysique ou mystique de son long métrage. Certes, mais cette scène permet enfin de recréer la connexion filiale après trois degrés de séparations, les trois scènes les plus émouvantes du film : le départ du foyer, savamment mis en parallèle avec le décollage ; la première découverte des messages vidéos ; la séparation avec Emilia Brand pour explorer le trou noir. Suite à ce dernier événement, tout ne sera que reconnexion, attachement : retrouver Murphy, enfin, et rejoindre Emilia, achevant la sépulture de son bien aimé dans les derniers plans du film.

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Ecologie et éducation

Et si Interstellar magnifie l’amour, le film alimente d’autres thématiques, évoquées habilement en sous-texte et au travers de ses personnages. Aucune information n’est donnée sur l’époque à laquelle se déroule le film, mais il est certain qu’il se déroule dans un avenir plus ou moins proche. Pourtant, il se déroule dans un futur où les technologies que nous exploitons aujourd’hui sont presque proscrites. Il n’y a pas de téléphones portables dans Interstellar, quasiment aucun ordinateur en dehors du cadre de la NASA – un ordinateur portable est utilisé au début du film pour pirater un drone – et encore moins de gadgets connectés qui envahissent notre quotidien. Les robots du film présentent une forme monolithique, en parfaite opposition avec l’apparence humaine que l’on recherche et développe à l’heure actuelle. Le monde dans lequel se situe l’action d’Interstellar est revenu à l’essentiel face à l’extinction proche de l’humanité. Par faute de vivres, tout le superflu de notre quotidien a disparu pour resserrer la vie sur des besoins primordiaux. Même la population fait preuve d’une résilience exceptionnelle. Lors d’un match de baseball, interrompu par l’arrivée d’un impressionnant nuage de poussière, qui peut nous ramener aux images du 11 septembre où règne la panique, les spectateurs évacuent le stade dans le plus grand calme, comme habitués à ce type de situation pourtant affolante. En se positionnant dans un univers où il est déjà trop tard pour sauver la Terre, Interstellar tire un signal d’alarme écologique des plus forts. Sans militer, le film de Christopher Nolan nous incite à agir dès maintenant pour préserver notre planète bleue.

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Le salut passe aussi par l’éducation. Lors d’un passage à une réunion parents-professeurs, nous apprenons que Tom n’aura pas accès à un enseignement supérieur, la faute à un niveau un peu juste et surtout le besoin de former des agriculteurs. Murphy, curieuse et futée, est prise sous l’aile protectrice du professeur Brand. Lorsque l’on retrouve les enfants de Cooper une fois adultes, leurs parcours ont redéfini le caractère de chacun. Tom est devenu un père de famille borné, incapable d’abandonner sa ferme malgré le danger encouru par sa famille – il a pourtant déjà perdu un enfant. Murphy de son côté a développé une rigueur scientifique qui, combinée à une intuition (qui procède de l’amour pour son père), mène à la résolution d’une problématique capitale pour parvenir à évacuer une partie de la population mondiale. Belle idée que de voir le film se résoudre grâce à la bibliothèque d’une petite fille (et de la montre léguée par son père), plaçant littéralement au travers des livres, la possibilité de déplacer des êtres aux confins de notre galaxie et au-delà.
Aimer, Apprendre et Préserver : trois magnifiques verbes irrigués par Interstellar dans une épopée au souffle émotionnel intense.

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. Le problème avec Interstellar, c’est qu’il n’y a rien à analyser, preuve ce billet qui ne fait que raconter ce que le spectateur voit à l’écran. Oui, il y a de l’amour, comme dans 90% des films aujourd’hui produits. Oui, il y a du spectacle, oui, il y a des intrigues personnelles propres à chaque personnage qui viennent se greffer à l’intrigue principale… mais, là-aussi, comme dans 90% des films aujourd’hui produits.

    Le grand spectacle, aujourd’hui à Hollywood, ne relève que d’un lissage parfait de l’image, des personnages, des dialogues. Tout est plat, parfaitement expliqué. Le mystère, l’imaginaire, est bel et bien devenu l’ennemi des blockbusters, et Interstellar, avec sa bouillie scientifique frôlant le ridicule et son dernier quart d’heure d’une naïveté ahurissante (« je vole un vaisseau pour rejoindre ma copine », était-ce vraiment nécessaire ?), en est le reflet le plus significatif. Son sujet, pourtant, manipule ce qui représente l’un des plus grands mystères de notre époque, à savoir l’Univers, et tout ce qui en découle. Même l’apparition énigmatique de cette poussière dans la chambre, surement l’une des meilleures idées du long-métrage, est expliquée de manière grotesque (séquence des « cordes » qui fait allusion à la théorie des cordes et au mur de Planck…). Oui, grotesque, il n’y a pas d’autres mots.

    Comme toujours chez Nolan, les pauvres scènes d’action ne rattrapent hélas pas le film.

  2. Voilà un commentaire qui invite au débat. Sympa, contructif. Tout ce que j’aime… Franchement, vu ton niveau d’exigence j’ai hâte, cher Mouais, de te voir passer à la réalisation. Sûre que tu fileras une bonne leçon de mise en scène à Christopher Nolan. Tu pourrais même, qui sait, détrôner Kubrick et son indéboulonnable 2001 !!!

  3. @Mouais : le grand spectacle a Hollywood a toujours été formaté, seuls certains grands noms arrivent à s’affranchir (partiellement) de codes imposés par les studios et producteurs, et je pense que Nolan en fait partie, même si, il est vrai, il s’agit d’un cinéaste qui laisse peu voire aucune place à l’imaginaire.

    Il n’empêche que je trouve « Interstellar » très fort, notamment par sa puissance émotionnelle, au coeur du film, bien plus que les mystères de l’univers.

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