[Critique] Apprenti Gigolo / Babysitting

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A première vue, il n’y a rien en commun entre un fleuriste quinquagénaire qui devient gigolo malgré lui et un baby-sitter d’un soir, rendant service à son patron. Pourtant, les comédies Apprenti Gigolo de John Turturro et Babysitting de Nicolas Benamou et Philippe Lacheau se rejoignent sur un point, celui du film qui épouse un modèle dépassant le simple hommage. Double critique pour deux films soucieux de plaire en singeant un cinéma dont ils ne maîtrisent pas tous les codes, hélas.

apprenti-gigolo-affiche-Apprenti Gigolo pourrait être un mauvais Woody Allen. Il s’agit d’un film choral, qui se déroule à Brooklyn, au sein de la communauté juive, et, cerise sur le gâteau, Woody Allen y tient même un des rôles principaux. Pourtant, il s’agit de l’œuvre de John Turturro, derrière et devant la caméra, campant un fleuriste en difficulté financière prénommé Fioravante. Son ami de longue date Murray, joué par Woody Allen, est un libraire dont les affaires sont également en berne. Vient alors une aubaine inattendue, la dermatologue de Murray, le Docteur Parker (Sharon Stone), cherche un beau mâle pour un ménage à trois avec une de ses amies. Un plan qui serait bien entendu rémunéré. Poussé par Murray, Fioravante se lance d’abord dans les bras de cette femme mûre en tête-à-tête afin d’être testé. Baptême réussi, et de nombreuses clientes se suivront avant d’atteindre le point culminant de cette carrière dans un plan à trois avec Selima (Sofia Vergara). Mais si Fioravante assure autant au lit qu’avec les fleurs ou en cuisine, son cœur bat pour une veuve que lui fait rencontrer Murray, Avigal (Vanessa Paradis), elle-même convoitée par un agent de sécurité, Dovi (Liev Schreiber) – de loin le personnage le plus inintéressant du film.

Le ton est à la légèreté, l’humeur, aux aphorismes alleniens d’une platitude inédite. Rarement drôle et encore moins pertinent ou sensuel, Apprenti Gigolo déroule une assommante comédie qui ne trouve pas l’angle adéquat, que ce soit pour sa facette ethnique ou bien sa facette romantique. Accompagné d’un jazz moderne qui ne parvient pas à donner du rythme à ce long métrage sans souffle – les scènes avec Vanessa Paradis et John Turturro mènent à la léthargie –, le film de Turturro se positionne en délire égotiste malgré sa bienveillance extrémiste. Ami fidèle, gentleman, véritable étalon capable de tout avec ses doigts, Fioravante représente le mâle alpha idéal, approchant la soixantaine avec une confiance et une constitution inébranlables. Est-ce une façon de combattre le temps qui passe pour l’acteur, réalisateur et scénariste ou bien l’occasion de se tirer un autoportrait des plus reluisants ? Quelles que soient ses motivations, on préfère John Turturro sous la direction de cinéastes aux idées plus originales comme les frères les Coen plutôt que de le voir imiter Woody Allen avec la complicité de ce dernier.

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Apprenti Gigolo, un film de John Turturro, en salles depuis le 9 avril 2014.

 

baby-sitting-affiche-Il fut un temps où la Bande à Fifi – avec à sa tête Phillippe Lacheau, ici acteur, co-scénariste et co-réalisateur – assurait de sacrées tranches de rigolade, notamment sur Canal +. Les voilà désormais sur grand écran avec Babysitting où ils ont ouvert leurs bras à d’autres visages de la comédie française issue de la télévision, avec Alice David (Bref), Grégoire Ludig et David Marsais (le Palmashow), ou encore Vincent Desagnat, acolyte de Michaël Youn. Une réunion qui pourrait s’apparenter à ce que l’on voit dans les films de Judd Apatow et Will Ferrell, mais qui ne fonctionne pas tout à fait, voire pas du tout, la faute à une matière comique trop chétive et des rôles si peu définis, où chacun ne représente guère plus qu’un ami ou camarade de Franck (Philippe Lacheau). Employé à l’accueil d’une maison d’édition de BD, Franck rêve de publier sa propre bande-dessinée, et lorsque son patron, joué par Gérard Jugnot, lui propose de garder son fils le temps d’un weekend, il saisit l’opportunité de pouvoir lui présenter son travail. Seulement, c’est le weekend de ses 30 ans, et sa bande de potes est bien décidée à fêter l’évènement en investissant l’impressionnante demeure des Schaudel. Empruntant à Very Bad Trip, Babysitting remontera le fil d’une folle nuit alors que les propriétaires reviennent à leur domicile dévasté, exposant les stigmates d’une soirée bien trop arrosée. En compagnie de la police, les Schaudel – la compagne est jouée par Clotilde Courau et le duo avec Jugnot se montre assez plaisant – vont visionner ce qui s’est déroulé grâce à un caméscope ayant immortalisé les faits, et qui pourrait les mener à retrouver leur enfant, le petit Rémi (Enzo Tomasini) étant introuvable.

Avec sa caméra portée pour montrer les catastrophes et gags de la soirée et son aspect plus cinématographique – on reste toutefois proche d’une esthétique de téléfilm – pour le temps présent, Babysitting tient de la rencontre de Projet X avec Very Bad Trip. Si le film montre quelques idées originales et drôles, ce n’est qu’un relais de situations déjà-vues, lourdes ou sottes, qui constitue la grande partie de cette comédie où la plupart des acteurs sur-jouent jusqu’au point de rupture. Au lieu de rester fidèle à leur humour, la Bande à Fifi se retrouve ici à imiter des modèles américains sans en saisir tous les enjeux, bien que derrière le délire potache émerge une morale sur la place du père et les responsabilités. Même l’orgie festive apparaît comme mécanique, forcée, menée par une volonté d’impressionner le spectateur dans sa surenchère d’accidents et de débordements. La moindre scène portée sur le gag d’un Frangins malgré eux ou de La Tour Montparnasse infernale pour revenir sur un exemple français écrase la quasi-totalité des séquences de Babysitting. Et l’imitation va plus loin, comme dans une scène de karting façon Mario Kart, déjà exploitée en solo par Rémi Gaillard – voir sa vidéo ici. Hormis les Schaudel et Ernest, le personnage de Vincent Desagnat, chaque personnage reste flou, tiraillé entre la débilité et des vannes potaches faisant rarement mouche. Malgré son rythme efficace et quelques véritables trouvailles en matière de délicieuse bêtise, notamment lorsque certains invités trouvent une ressemblance entre un voisin et le grand-père de Là-haut ou la capacité à jouer sur la double temporalité du film, Babysitting échoue dans son entreprise comique, sous le joug d’un genre américain difficile à retranscrire dans la langue de Molière.

1.5 étoiles
Babysitting, un film de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou, en salles depuis le 16 avril 2014.

Article rédigé par Dom

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