[Critique] La Légende de Kaspar Hauser (Davide Manuli)

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Exploitant singulièrement l’énigme de Kaspar Hauser, aussi connu comme « l’orphelin de l’Europe » (voir article wikipedia), La Légende de Kaspar Hauser est un film expérimental où le western et la rave party se rencontrent sur une île fantomatique. Une œuvre absurde et hallucinante, tantôt pénible, tantôt grisante.

Roi des platines

Dans un paysage désertique, alors que débute un morceau d’électro, on reconnaît Vincent Gallo dans un costume qui fait autant appel à un danseur de disco qu’un cow-boy. Une main tendue vers le ciel, il prend la pose tandis que trois OVNI s’élèvent au-dessus de lui. On apprendra quelques minutes plus tard qu’il s’agit de Pusher – l’un des deux personnages campés par Gallo –, un dealer au service de la duchesse (Claudia Gerini) de ce royaume inconnu que l’on suppose être une île ou une péninsule. L’époque à laquelle se déroule La Légende de Kaspar Hauser est également un mystère. Divisé en chapitres identifiés par un événement ou une thématique, ce film atemporel tourne autour d’un fameux Kaspar Hauser et vise à démontrer s’il s’agit du messie tant attendu de cette contrée dépeuplée ou bien d’un vil imposteur. C’est le shérif (l’autre personnage de Vincent Gallo) qui recueille ce « garçon » au nom tatoué sur le ventre, échoué sur la plage, inconscient. Garçon est un terme incorrect puisque, bien que tous les personnages le considère comme un jeune homme, Kaspar Hauser est joué par Silvia Calderoni. Blonde platine à la coupe punk, casque audio vissé sur la tête – mais branché à aucun appareil –, malingre et se mouvant comme un « teufeur » qui ne serait jamais redescendu de son dernier trip (musical), ce Kaspar Hauser semble sortir tout droit d’un clip du groupe Die Antwoord. La population locale, qui comprend hormis les personnages cités précédemment une voyante (Elisa Sednaoui), un prêtre (Fabrizio Gifuni) et un servant (Marco Lampis), va se passionner pour ce nouvel arrivant qui pourrait être un héritier royal.

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Cabotinant joyeusement dans son rôle de shérif, Vincent Gallo, bien que possédé à plusieurs reprises, fascine moins que Silvia Calderoni, dont l’expression orale se limite bien souvent à répéter « Yeah » ou « Io sono Kaspar Hauser ». Devant faire preuve de loufoques talents devant la duchesse, exerçant une attraction puissante sur le prêtre, Kaspar se voit enseigné par le shérif son ancien métier, celui de DJ. Et derrière la bande originale, c’est un célèbre artiste du monde de la musique électronique qui livre une poignée de morceaux percutants et entêtants : Vitalic. Lorsque les synthétiseurs et beats du musicien français s’emparent de l’espace sonore du film, La Légende de Kaspar Hauser plonge dans un surréalisme énergique, profondément excitant. Bien que l’on serait tombé dans un exercice trop proche du clip, il aurait été presque plus intéressant de voir la musique de Vitalic accompagner chaque scène, quitte à réduire les dialogues. Car le long métrage de Davide Manuli s’enfonce souvent dans des logorrhées pénibles, dont certaines peuvent prêter à interprétations, certes, mais brodent souvent laborieusement la légende et le destin de Kaspar Hauser.

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Malgré des personnages peu nombreux, le film conserve un voile de mystère sur chacun d’entre eux, dans leur essence et aussi leurs relations. La Légende de Kaspar Hauser a beau masquer ses intentions les plus profondes – si profondeur il y a ! –, il ne cesse d’exercer un pouvoir d’attraction, balançant entre l’hypnose et la transe musicale. Avec sa perche qui s’invite dans certains plans, d’étranges regards caméra des acteurs, on se demande d’ailleurs si l’imposture ne doit pas être questionné sur le plan filmique, dépassant alors le jugement du protagoniste ! Peut-être des erreurs lors du tournage et du montage, ou bien des actes délibérés de la part du réalisateur, jouant malicieusement avec nos attentes, nous plaçant aussi peut-être comme un résident temporaire de ce village. Un fait appuyé lors d’une déclaration publique du servant, destiné à la population – inexistante ou hors-champ –, ainsi qu’à un chien. Quoi qu’il en soit, si certains n’apprécient pas la musique électronique, d’aucuns ne pourront manquer de saluer la photographie et les décors désolés et côtiers de ce film en noir et blanc, tourné en 35 mm. Une image qui a du grain et du caractère, parfaite pour le cadre solaire de ce théâtre absurde où la tragédie se cache derrière la bizarrerie et la musique. Kaspar Hauser est-il le roi d’une terre infertile ou un énergumène simplement paumé ? DJ de génie ou musicomane perché ? Les réponses restent vagues, mais la singularité de ce mythe moderne laisse le plaisant souvenir d’un voyage dans une contrée inexplorée.

3 étoiles

 

La Légende de Kaspar Hauser

legende-kaspar-hauser-afficheFilm italien
Réalisateur : Davide Manuli
Avec : Vincent Gallo, Silvia Calderoni, Claudia Gerini, Elisa Sednaoui
Titre original : La leggenda di Kasapar Hauser
Scénario de : Davide Manuli
Durée : 95 min
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie en France : 4 septembre 2013
Distributeur : Les Films à un dollar


Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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