[Critique] L’Attentat (Ziad Doueiri)

Adaptation du roman éponyme de Yasmana Khada, L’Attentat explore avec sensibilité et intelligence le conflit israélo-palestinien par le biais d’un docteur en quête de vérité. Une belle œuvre signée Ziad Doueiri.

Terre meurtrie

Amine (Ali Suliman) est un éminent chirurgien. Israélien d’origine arabe, il vit avec Sahim (Reymonde Amsellem), sa femme, à Tel-Aviv, où la communauté arabe est une minorité. Cela aurait pu être une journée de travail ordinaire à l’hôpital pour Amine mais à quelques centaines de mètres de là, une bombe a explosé dans un restaurant, faisant des dizaines de morts et blessés. Après une journée difficile aux urgences, le docteur retrouve son foyer, seul, car Sahim rend visite à sa famille à Nazareth. Appelé pour revenir à l’hôpital, on demande à Amine d’identifier un corps qui pourrait être celui de sa femme. Un corps, ou plutôt ce qu’il en reste. Et c’est bien le visage de sa compagne qu’il découvre sous le drap. Le choc est tel qu’il perd connaissance. Lorsqu’il retrouve ses esprits, la police est sur son dos : elle pense que Sahim a commis un attentat suicide. La force première de L’Attentat est d’aborder le conflit qui se déroule en Israël par la sphère d’un couple qui, à priori, témoignait d’une cohabitation possible des peuples. A priori puisque même si Amine imagine de meilleurs lendemains et ne peut pas accepter que sa femme ait commis un geste aussi horrible, cette dernière semblerait être derrière le drame. Le film se plonge alors dans la quête du comment et du pourquoi. Comment sa femme aurait-elle pu faire preuve d’une telle duplicité et pourquoi aurait-elle donné sa vie en alimentant les flammes d’un affrontement meurtrier qui perdure depuis bien trop longtemps ? Des questions qui vont conduire Amine à rejoindre Naplouse, où se trouvent des membres de sa famille, dont sa nièce, qui partage son point de vue sur la situation. Une plongée dans un territoire qui change totalement l’ambiance du film, développant une atmosphère à la fois inquiétante et aérienne – notamment par le biais de la musique –, partagée entre la gravité du drame et la grâce des souvenirs.

A Naplouse, Sahim est saluée en martyre. Amine n’a que pour seul piste celle d’un cheikh attisant la haine entre les peuples. Un sentiment de danger accompagne alors les faits et gestes du chirurgien, indésirable dans la région, accusé de pouvoir attirer dans son sillon les services secrets. Dans sa recherche effrénée pour la vérité, Amine soulève toutes les tensions qu’il pensait capables de disparaître dans un futur proche. Il y a la douleur de la perte d’un être aimé et l’amertume d’un avenir toujours aussi sombre. Finalement, L’Attentat ne s’éloigne pas des discours déjà tenus au cinéma sur le conflit opposant les communautés arabes et juives, entretenu par certains leaders religieux et une triste logique de représailles perpétuelles. Aucune solution ne peut s’envisager tant l’animosité perdure malgré certaines apparences, une forme de cohabitation ne tenant pas de l’acceptation et la tolérance mais de l’entorse, de la contrainte. Certains détails sont ahurissants, comme lorsque un homme blessé, juif, refuse avec véhémence malgré son état d’être touché par les mains d’Amine. Ziad Doueiri traite son sujet avec un regard intelligent, sans avoir la prétention de proposer une piste pour sortir du conflit. Il dirige remarquablement Ali Suliman, parfait dans ce rôle de victime et d’enquêteur, docteur et mari qui, du jour au lendemain, voit son monde anéanti dans le souffle d’une explosion. Déchirure à l’échelle d’un couple et d’une contrée, L’Attentat étend une souffrance aussi désarmante qu’intolérable.