[Critique] Whity / Lili Marleen (R. W. Fassbinder)

Carlotta Films propose, pour la première fois en éditions individuelles en DVD, deux films de Rainer Werner Fassbinder : Whity et Lili Marleen, tous deux avec Hanna Schygulla. La parfaite occasion pour (re)découvrir deux œuvres du prodige cinéaste allemand.


Whity est le surnom de Samuel King (Günther Kaufmann), domestique noir dans une famille opulente de l’Ouest des Etats-Unis à la fin du XIXème siècle. Maltraité par ses maitres et les blancs qu’il croise, à l’exception de Hanna (Hanna Schygulla, exquise), une prostituée de saloon, Whity est le témoin du délabrement de la famille Nicholson, aux deux étranges fils, déchirée par l’avarice et le pouvoir.

Ce qui frappe d’entrée dans ce long-métrage est tout d’abord la langue allemande, qui crée un véritable décalage avec le cadre américain où se déroule l’action. Les musiques et la mise en scène développent alors une ambiance baroque, flirtant avec le surréalisme où la cruauté et les sévices semblent sortir tout droit d’un cauchemar. Un sentiment de révolte est provoqué par la violence procédant des actes racistes à l’encontre de Whity, tentant de conserver sa dignité en toute situation. Avec ses cadrages exquis, ses costumes aux couleurs éclatantes, Whity chemine entre deux genres, positionné entre le western et le drame social. Fassbinder maîtrise autant le malaise du spectateur que l’horreur qu’il distille dans ses séquences. Un film étonnant et dérangeant, à la trajectoire atypique.

4 étoiles


Un couple d’artistes séparés par la montée du nazisme ; une chanson ignorée qui devint tout un symbole durant la Seconde Guerre Mondiale. Lili Marleen s’inspire librement de la vie de la chanteuse Lale Andersen, ici baptisée Willie et jouée par Hanna Schygulla – au sommet de son jeu d’actrice.

A nouveau, Rainer Werner Fassbinder jongle avec les genres, le destin de sa protagoniste est autant un mélodrame qu’une fresque historique, avec de nombreuses séquences penchant vers l’espionnage. Si certains choix de mise en scène desservent aujourd’hui le film – notamment le montage sonore mais avant tout l’abondance de flare sur l’objectif, conférant parfois un aspect téléfilm à cette œuvre pourtant très soignée –, Lili Marleen reste un passionnant récit sur deux amants en péril à chaque instant : l’un parce qu’il est juif et résistant, l’autre parce qu’elle saisit sa chance au sein du IIIème Reich sans pour autant renier ses valeurs et son humanité. Parmi les aspects séduisants qui n’ont pas pris la moindre ride : la narration, d’une grande fluidité, apportée par un découpage elliptique audacieux et judicieux.
Fassbinder évoque dans ce film toute la puissance de la musique : union des êtres, soulèvement des masses et manipulations à toutes les échelles. Plus qu’une chanteuse sexy, Willie représente une sirène dans toute sa splendeur. Lili Marleen conjugue intelligence du regard sur l’Histoire et force narrative sur le plan fictionnel.

3.5 étoiles

Article rédigé par Dom

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