Critique : Contagion

Premier film pandémique post-grippe A H1N1, Contagion se révèle être une véritable étude de cas, empruntant le pire scénario envisagé en 2009. Autour d’un virus dévastateur, Steven Soderbergh réunit un impressionnant casting qui n’ôte rien du caractère quasi-documentaire de sa nouvelle oeuvre au réalisme terrifiant.

Pandémie à la loupe

Il ne faut pas plus d’une poignée de minutes pour voir Beth Emhoff (Gwyneth Paltrow), mère d’une famille de deux enfants rentrant d’un voyage d’affaires à Hong Kong, agoniser sous les yeux de son mari, Mitch (Matt Damon). Dès sa mort, plus aucun acte n’est anodin pour la caméra : un homme fiévreux traversant un marché, une quinte de toux, des mains qui, d’un simple toucher, peuvent s’avérer meurtrières. Le fléau, invisible, se déplace sans mal d’un continent à l’autre, s’immisce insidieusement dans la monotonie du quotidien et l’humanité se retrouve alors en péril. C’est avec une approche méthodique que Steven Soderbergh et le scénariste Scott Z. Burns analysent les conséquences d’une pandémie dévastatrice qui se déclarerait aujourd’hui. Le film, dont le rythme s’accorde sur la vélocité de la propagation du virus, prétend à couvrir la situation dans son ensemble, grâce à une galerie de personnages allant du simple civil aux médecins du CDC. Un terrible sentiment d’impuissance s’empare du spectateur, embarqué dans la narration elliptique et divisée sur différents fronts : la recherche du « patient zéro » à l’origine de la propagation, l’élaboration d’un vaccin, le contrôle de l’information aux populations et bien sûr, la survie. Tandis que dans les hautes sphères, le sort de l’humanité est scellé par un simple algorithme, un journaliste blogueur, Alan Krumwiede, campé par Jude Law, cherche à dévoiler sur internet les informations cachées par le gouvernement américain – à moins qu’il soit vecteur d’une autre épidémie, celle de dangereuses contre-vérités !

Si l’ubiquité accordée au spectateur permet d’aborder des thématiques passionnantes au travers des actes d’héroïsme ou d’égoïsme de tout un chacun, la volonté d’accompagner autant de personnages, dans des métropoles telles que Minneapolis, Hong Kong ou encore Genève, nuit de façon conséquente à l’émotion. Fort heureusement, chaque acteur insuffle suffisamment de charisme à son personnage, même les plus effacés (Marion Cotillard, Bryan Cranston), mais les scènes du civil interprété par Matt Damon – qui livre également une très bonne prestation –, composant le véritable axe émotif du film, manquent souvent de toucher, étriquées au milieu des enjeux scientifiques, politiques et économiques. Ne cherchant jamais le sensationnel, même dans les scènes de pillage ou d’émeutes qui peinent à se dégager de la simple illustration, Contagion se montre, tout au long de son déroulement, froid et clinique. Ce qui frappe alors ne réside pas dans le romanesque mais dans le réalisme obtenu par Soderbergh, qui porte aussi la casquette de chef-opérateur, cadrant chaque plan avec minutie. Parmi les images marquantes, il y a les aéroports désertés, les rues jonchées de détritus, les corps jetés dans des fosses communes, la découverte d’un album photo post-mortem, mais dans la déliquescence, une scène sublime touche en plein coeur, celle d’un acte de sacrifice au nom de l’humanité, qui magnifie un simple baiser sur le front, contrastant avec l’effroyable cynisme et la loi de la jungle qui s’emparent d’un monde prêt à s’éteindre.

Malgré quelques écueils directement imputables à l’ampleur du projet, pour un film choral relativement court – 106 minutes au compteur, générique inclus –, Contagion, représentant une pandémie comme aucun autre long-métrage, soulève des problématiques intéressantes. A notre ère où nous sommes tous connectés, reliés les uns aux autres virtuellement par les nouvelles technologies de communication et physiquement par l’abondance des moyens de transports, aucun plan à l’échelle mondiale ne pourrait minimiser l’hécatombe, ni la manipulation des informations. Le constat final est simple : survivre tiendra de la loterie. Nous voilà prévenus.

4 étoiles

 

Contagion

Film émirati, américain
Réalisateur : Steven Soderbergh
Avec : Matt Damon, Kate Winslet, Jude Law, Laurence Fishburne, Bryan Cranston, Marion Cotillard, Gwyneth Paltrow, Jennifer Ehle
Scénario de : Scott Z. Burns
Durée : 106 min
Genre : Drame, Science-fiction, Thriller
Date de sortie en France : 9 novembre 2011
Distributeur : Warner Bros. Pictures

Bande Annonce (VOST) :

Article rédigé par Dom

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11 commentaires

  1. J’ai bien envie de le voir mais il s’est coltiné des analyses assassines dans la presse US…

  2. Un film que j’attend avec impatience. Casting brillant et sujet assez original. On a plus qu’à patienter.

  3. Je suis plutôt d’accord avec tout ce que tu dis dans la mesure où j’ai moi aussi beaucoup apprécié le film. D’une part pour son casting exceptionnel mais également de par son réalisme hors du commun qui m’a directement accroché. J’ai également été séduit par toute la dimension communicationnelle du film. Effectivement, dans une crise de cette envergure, la communication est primordiale et j’ai vraiment apprécié qu’elle ait une place significative dans le récit. Bref, « Contagion » est un film diablement réaliste et efficace qui est vraiment passionnant de bout en bout et rythmé par une bande originale sublime.

  4. Rien à dire, je suis aussi impatient de le voir, mais en vérité je suis déçu. Je pensais que c’était déjà une sortie bluray….

  5. Pareil, j’attend ce film pour de multiples raisons dont le casting.

  6. @La méthode : je ne lis jamais rien sur un film avant d’avoir publié ma propre chronique, mais je manque de temps en ce moment pour regarder à droite à gauche. C’est un film qui est aussi facile à descendre qu’à défendre ; à mes yeux, c’est une réussite, et ce qui peut effrayer certains, c’est son cynisme à froid, l’horreur clinique qui en ressort.

    @domdom2006 : il va falloir s’armer de patience. Tourné avec une caméra RED très récente, le film promet déjà un excellent blu-ray.

  7. Au mon dieu quand je lis cette citrique je me dis que le talent de Soderbergh ne s’ait pas envolé dans les années 2000 !!

    J’ai vraiment hate de le voir tant je sais que le monsieur à un potentiel incroyable

  8. Soderbergh a fait Sexe Mensonge et video et puis…plus rien… De sa série d’Oceans à Traffic, en passant par The good german ou erin brokovitch, le talent de monsieur Soderbergh est un peu surestimé, à mon goût…

    En lisant ta critique, je ne pensais pas voir 4 étoiles sur 4 à la fin 😉 Tu parles en effet de réal froide et clinique, on l’a constaté aussi… Et de manque de place laissé à l’émotion… Et puis j’ai trouvé aussi ce film verbeux, bernant le spectateur avec des démonstrations scientifiques rapides, que le spectateur est contraint d’avaler sans broncher… Et que de clichés aussi : rien que nous ne sachions déjà, où rien que l’on n’imagine pas encore … A non, je n’ai pas aimé ce film… Pick non plus d’ailleurs, alors qu’il s’en faisait une joie !
    Rick Panegy

  9. @Rick : disons que l’aspect froid et clinique n’est pas à un défaut à mes yeux, car c’est un choix du réalisateur. Le côté verbeux peut rappeler un peu certaines séquences du dernier Fincher, à propos des réseaux et du développement, mais encore une fois, je pense qu’il y a une volonté de troubler le spectateur par l’emploi d’un langage scientifique.
    Quant à l’émotion, j’avoue avoir été pris par deux séquences – attention spoiler : celle du vaccin et celle dans laquelle Matt Damon retrouve les photos de sa femme.
    Mais je comprends parfaitement que le film divise, surtout qu’il est « vendu » avec une bande annonce assez trompeuse sur le ton – et même la mise en scène – du film.

  10. Avec un peu de retard, j’ai fini par visionné le film hier soir. Plus par curiosité que par envie tant les premières critiques du film à sa sortie m’ont un peu ôté le désir de la découverte. Et là, grosse grosse déception…. J’ai « décroché » au cours du film à trois reprises tant cela manquait de « piment ». Certes le scénario est intéressant mais malheureusement j’ai trouvé le jeu de la plupart des acteurs « insipide ». Cela manquait de sentiments, « d’âme humaine » tout simplement. Et pour être franche, à mes yeux, seule Kate Winslet a – une fois de plus – sorti son épingle du jeu. Quant à Marion Cotillard, sa prestation n’a fait qu’affadir un peu plus le film. En résumé pour moi « Contagion » rimera avec « Déception ». D’autant que je m’attendais à mieux eu égard au scénariste et au sujet du film. Mais qui sait, peut-être l’âme du film aurait-elle été toute autre si les acteurs avaient été d’illustres inconnus….Quant à la musique, rien de renversant….Pour finir, si je devais attribuer une note à ce film, elle serait de 2/5. Désolée pour ceux qui ont aimé le film….

  11. Il n’est jamais trop tard pour parler d’un film Katell, et tout avis est intéressant à lire. Je pense que le manque de sentiment que tu évoques est le côté clinique que je souligne dans la chronique : je pense que c’est une volonté de Soderbergh de créer ce détachement émotionnel – quoi qu’il y ait de l’émotion autour du personnage de Matt Damon.

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