Critique : True Grit (Ethan Coen, Joel Coen)

True Grit

Film américan
Réalisateurs : Ethan Coel, Joel Coen
Avec : Hailee Steinfeld, Jeff Bridges, Matt Damon, Barry Pepper, Josh Brolin
Scénario de : Ethan Coen et Joel Coen, d’après le roman « True Grit » de Charles Portis
Directeur de la photographie : Roger Deakins
Monteurs : Ethan Coen, Joel Coen
Durée : 110 mn
Genre : Western, Drame
Date de sortie en France : 23 février 2011

 

 

 

 

La trame :

Du haut de ses quatorze ans, Mattie Ross décide d’engager un marshal pour l’aider à capturer l’assassin de son père.

 

Bande Annonce (VOST) :

 

Critique

Pour leur premier western, les frères Coen puisent dans la littérature américaine en signant l’adaptation du best seller True Grit (Mattie ou 100 dollars pour un shérif en français) de Charles Portis, déjà adapté au cinéma, en 1969, par Henry Hathaway. Pour cette première version de True Grit (plus connue en France sous le titre 100 dollars pour un shérif), John Wayne remporta l’unique Oscar de Meilleur acteur de sa carrière, grâce à son interprétation du marshal Cogburn, rôle repris aujourd’hui par Jeff Bridges. Mais point de remake ici, d’après les frères Coen – n’ayant ni vu le premier film, ni lu le bouquin –, qui ont voulu rester plus fidèle au roman que ne l’était le film de Hathaway.

Il était une fois dans l’Ouest

En 1878, Fort Smith, dans l’Arkansas, est la dernière ville à l’Ouest des Etats-Unis, l’ultime bastion avant les terres sauvages, réservées aux indiens, représentant un véritable paradis pour tous les fugitifs et criminels en quête de quiétude. A sa descente du train, Mattie Ross (Hailee Steinfeld) ne compte pas seulement rapatrier le corps de son père, assassiné par un petit brigand, Tom Chaney (Josh Brolin), pour seulement deux pièces d’or ; elle vient pour le venger, du haut de ses quatorze printemps. Articulé autour du désir ardent de vengeance de la téméraire jeune fille, True Grit bénéficie d’une réalisation raffinée en tout point. Les décors et costumes sont particulièrement réussis, au point qu’ils semblent avoir subi les ravages de la poussière et du temps, tandis que la superbe photographie de Roger Deakins, fidèle collaborateur des frère Coen, parachève ce voyage temporel.

L’enfant, l’ivrogne et le texan

Mattie recherche un homme avec du vrai cran (« true grit »), un homme qui pour une modique rétribution, l’aidera à attraper Chaney pour qu’il soit jugé et condamné pour son crime dans un tribunal. Cet homme, c’est le marshal Rooster Cogburn, un vieux briscard à la gâchette facile et porté sur la gnôle, interprété par un Jeff Bridges au sommet de son art, bluffant par son naturel et son accent déterré au fin fond de l’Arkansas. Le reste de la distribution ne s’efface pas pour autant face au dude – rôle culte de Jeff Bridges dans The Big Lebowski des frères Coen –, Hailee Steinfeld, qui signe ici son premier rôle dans un long-métrage, brille dans ce difficile rôle de môme courageuse et déterminée. Pour compléter le trio, un très bon Matt Damon incarne un ranger texan à la langue bien pendue, aussi à la recherche de Chaney pour le meurtre d’un sénateur et motivé par la récompense à la clef s’il parvient à le ramener dans son Etat.
Trois personnages réunis pour un unique but, stimulés par des desseins divergents, doivent collaborer sur une terre sauvage qui ne reconnaît pas les lois des yankees.

Impitoyables

Si la poudre parle à plusieurs reprises, les véritables affrontements sont purement verbaux, mettant à rude épreuve l’intelligence de chacun. Malgré son jeune âge, Mattie excelle dans l’art de la négociation et n’hésite pas à clamer le pouvoir de son avocat pour parvenir à ses fins. Une obsession pour la loi et les poursuites judiciaires qui témoigne du pouvoir grandissant de la justice à cette époque, mais qui se veut aussi le reflet de l’Amérique contemporaine, où procès en tout genre sont pléthores. La rencontre avec Cogburn se déroule dans une scène aussi marquante pour son esthétique que sa rhétorique ; accusé d’avoir abattu des bandits de sang-froid, le marshal n’hésite pas à employer un cynisme effronté pour gagner la sympathie de l’audience et contrer l’habile avocat de la défense. Les personnages, jadis créés par Charles Portis, sont des figures habituelles de l’univers des Coen : leur origine et leurs traits, qualités et défauts, déterminent chacune de leurs actions et prises de décision – en somme, ils sont humains. On retrouve également, tout au long du film, l’humour noir et décalé des frangins, savamment égrené jusqu’à une conclusion à la morale obscure.

Réussite technique et modèle d’une direction d’acteur exemplaire, True Grit accuse d’une lourde déficience au montage. Alors que le métrage propose de nombreux plans sublimes, autant par la nature du cadrage que par les paysages capturés, on regrette qu’ils soient bien trop courts pour s’en délecter. L’ambiance est frappée de plein fouet par cette carence qui empêche la naissance de tensions et de suspens alors que nos héros errent sur le territoire des pires outlaws du pays ; et Carter Burwell, excellent compositeur à son habitude, joue trop souvent la partition de l’emphase sur l’action. Alors que les deux films ne devraient pas être comparés – mais la tentation est forte –, on repense au monument No Country for Old Men, thriller moderne qui démontrait le pouvoir anxiogène d’un métrage se privant de musique. Ici, un ingrédient a été négligé.
Qu’à cela ne tienne, True Grit s’avère être un bon western qui manque malheureusement de rejoindre le rang des incontournables des prolifiques frères Coen.

3.5 étoiles

A lire aussi : l’avis d’Alexandre Mathis, conquis par le film et celui de Djool, beaucoup plus sceptique.

Article rédigé par Dom

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7 commentaires

  1. anh ! tu y étais toi aussi à cette projection… y’avait plus assez de places pour moi j’étais dégouté !
    et là aussi tu fais la fine bouche… les frères coen bordel !! 😉
    bon, reste plus qu’à attendre…

  2. Les frères Coen sont loin d’être intouchables ; non, vraiment, il manque un petit truc à ce True Grit et c’est dommage !

  3. True Grit, hum… Plutôt très friable alors…..

    Il y a l’humour Coen, ok.
    Il y a des acteurs plutôt correct (Jeff Bridges, même si le côté ivrogne est franchement parfois à la limite d’un Benny Hill.. puis les autres..).
    Après point de vue story, bon, c’est un remake, soit, bien que peu crédible.

    Messieurs les Coen’s, vivement un retour à vos propres standing de type Fargo/Lebowski/No Country… Un peu plus et je vous mets dans la même case que Gondry et son Green Hornet (voir critique sur ce même blog).

  4. J’ai trouvé ça très bien jusqu’au dénouement final … mais il y a 10 minutes d’agonie après.

    Le côté crédible, moué, je connais pas de western crédible en fait. Quoique … la petite maison dans la prairie ça compte ? (haha)

  5. Franchement j’ai été moins indulgent que toi parce qu’avoir 10 nominations aux Oscars pour juste « un bon » western c’est abusé. C’est un western « bien mais sans plus » pour moi surtout au regard des centaines de western d’il y a 40 ans qui étaient biens plus subversifs que ce « True Grit »….Un bon univers, de bons comédiens mais une histoire pas excitante pour deux sous. Comme je le disais à Alexandre « Cutter » Mathis: « Pale Rider » est quand même mieux ne serait-ce que pour montrer une la rudesse d’une époque où la moralité était vraiment contestable.

  6. Je l’ai revu. Vraiment, je trouve que les acteurs portent le film vers le haut et c’est surtout vers la fin que ça coince : les musiques deviennent trop emphatiques, lorsque LaBoeuf donne un coup de fusil à Chaney c’est vraiment infâme et le combat de Cogburn c’est vraiment le thème héroïque des plus banals !
    Et la conclusion du film crée un détachement avec l’actrice Hailee Steinfield qui n’est vraiment pas le bienvenue, à mon avis….

    @Bruce, Oui Pale Rider n’est pas le même genre de Western. Et récemment, je pense que j’ai plus apprécié Appaloosa !

  7. Je viens de voir le film. En gros, je suis d’accord avec toi : c’est un bon Coen, mais rien d’extraordinaire non plus.
    La musique aussi m’a un poil dérangé sur la fin, trop présente.
    Jeff Bridges est magistral, mais on n’en attendait pas moins de lui.
    J’ai trouvé Matt Damon plutôt étonnant, dans un rôle tellement à contre-emploi qu’il en est difficilement reconnaissable.
    La gamine est bien aussi, et l’avantage de son âge est que ça évite toute tension sexuelle qui pourrait tirer l’histoire vers un truc trop hollywoodien pour être honnête, malgré la remarque pour le moins graveleuse de Jeff Bridges au début !
    Bref, un bon Coen, mais rien d’inoubliable…

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